Souvenir au clair de Lune
Quand la rose, ennuyée dans son âme de verre
Amène sur mon front la clarté d'un miroir,
Elle souffle son âme, à mon âme de vers,
Un beau clair de lune sous un ciel d'encre noire.
La nuit, dans sa pommade, ineffable pâleur,
La lune monte monte, et lentement s'éveille,
Se confond à mes yeux bleus, lotis dans sa rondeur,
Sur la crème du jour se fondant en merveilles.
La mer se balance comme tous les enfants,
S'éloignant du rivage pour plonger dans les algues
Et revient toute noire sur le rivage blanc,
En roulis savonneux de ses souvenirs vagues.
Je me souviens la houle, l'élan de l'écume,
Le relent des hommes dans les chants de marin,
- Je me souviens la foule même dans la brume,
De femmes embrassées en fuyant le matin.
Je me souviens la lune sur mon manteau bleu,
Elle flotte sur l'eau et boutonne la manche,
- Je m'en souviens aussi, mais quand il pleut,
Blôtis sous le bouleau dont bourgeonnent les branches
- Et plus haut, encore plus haut dans les feuillages,
Dispersant mille verts et mille feuilles aux vents,
Mon âme rêveuse s'endort, se promène ou voyage,
Ou, lassée du monde, s'amuse des enfants.
