Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Véronique PEDRERO

Le singe, l'ogre et...

Ce soir-là, l'ogre faisait un tel raffut
Déclinant sur tous les tons ses ronflements en chaîne
Que compagnon le singe ne trouvait le sommeil
Il avait beau se tourner tantôt de droite, de gauche
Il avait beau siffler berceuses ou symphonies
Rien n'arrêtait le dormeur qui, gardant les poings fermés
Rêvait sans en être le moins du monde gêné

Cela énervait le singe
Il avait toujours été un gentil compagnon
Compréhensif, discret, présent à toutes les heures
Ne réclamant jamais
Et d'humeur égale
Mais là, ce tintamarre lui tapait sur les nerfs
S'il avait été un loup-garou ou un méchant vampire
L'ogre se serait méfié et ne se serait pas laissé aller
Mais il n'était qu'un singe
Acrobate et farceur
Plus prompt à amuser toutes les galeries
Qu'à contester son sort
Cependant vient un jour où les choses insupportent
Ce jour était venu

Le singe donc, disais-je, se mit à réfléchir
Et une idée germa dans sa cervelle maline
Comme c'était mardi gras, il trouva un costume
Et il prit l'apparence d'une chauve-souris géante
Grande sur pattes, ailes noires de corbeau
Et fournie en moustache

Au moment où son maître faisait sonner son coffre
Il partit à l'assaut
Il agita ses bras pour agiter ses ailes
Il bougea ses jambes, il bougea sa tête
Se posa sur le ventre qui bondissait toujours à chaque respiration
Il se mit à danser bourrées et gigouillette

L'ogre se réveilla de fort méchante humeur
Il décala l'intrus qui tomba d'un seul bloc le cul par-dessus tête
Révélant son derrière qui n'était plus couvert
Il le reconnut et perdit sa colère
Saperlipopette ! s'exclama-t-il, c'est toi, ami, qui dansais le sabbat ?
Je n'aurais jamais cru que tu sois si agile
Quelle idée as-tu eue de prendre telle apparence ?
Tu voulais me faire peur comme si j'étais enfant ?
Ou bien farcer ton maître pour qu'il se mette à rire ?
Diantre, je connais tant la vie et j'ai passé cet âge
Allez, relève-toi et conte ton tourment

À ces mots, le singe à triste mine
De s'être vu moqué en si piètre apparat
Se débarrassa de son costume qui n'était pas pratique
Épousseta son poil
Et raconta pourquoi, comment, il en était venu là

Et contre vaine attente, l'ogre comprit enfin
Il convint que dormir tous deux dans une même chambre
Incommodait le singe qui faisait insomnies
Sa maison était grande, presque comme un palais
On trouverait matière à arranger l'histoire
Le singe s'installa dans l'aile plus au nord
Dans un cocon douillet juste au-dessous des toits
Et quand le soir vint, ils se dirent bonsoir
Chacun prenant chemin où il avait son lit

Le singe rasséréné s'étala de son long
Sur le lit indolent qui n'était que pour lui
Il prit toutes ses aises
Il ferma les yeux et glissa en sommeil
Quand un bruit l'éveilla, en sursaut, de surcroît
Un rire sardonique bondissait en échos au fil des couloirs
Quoiqu'il ne le connût, il saisit de quoi il devait s'agir
La sorcière des lieux au menton bien crochu
Il leva les yeux au plafond en prière
Il irait au matin jusqu'à la pharmacie
Pour acheter des boules qui donnent la quiétude
Et du sirop du soir qu'il prendrait au repos

Moralité :
La solution trouvée pouvant comporter, cachés, quelques vices de forme, il faut parfois sans doute savoir s'en méfier.