Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Véronique PEDRERO

Fragments de l'oeil

Arrivée en la demeure
la lune veille déjà
entre les entrelacs
elle veille encore
à distance et pourtant si proche
toujours entre les entrelacs
elle s’accroche
au rebord et capte nos regards
elle déborde du cadre
ronde dans le tableau


Arrivée à la veillée
Entre les entrelacs qui entourent la demeure
La lune s’accroche, lointaine et proche
Rondelle au centre du carcan des branches
Elle déploie ses branchies
Avale l’air de nuit
Je croise son regard blafard
Sans fard
Elle a l’âge de ses cratères
Où logent des cailloux
Petits points en suspens


Veines du bois tranché
Tranche de bois plantée
Là, au bord du sentier
Sous la brûlure du jour d’été
De jour comme de nuit
Bardé de barbelés
Tirés
Étirés
Pointés de clous rouillés
Cadenassés

Échappée végétale
Embardée transversale
Le lichen s’agrippe
Sans demander
Il résiste
Il rentre dans les stries
Il comble les plaies
Il colonise
D’abord le côté droit
Reluque le côté gauche


À regarder le vent
Je le sens sur ma peau
L’arbre
Ses feuilles et son écorce
Son tronc qui file droit sur le ciel
Je pourrais m’allonger, alors je vibrerais
De toutes mes dendrites
Mais je n’ai pas le temps
Il me faut marcher
Las !
Cueillir des mots
Ailleurs
Je file


La maison se planque dans les ébouriffades des herbes au dos brûlé
Elle garde sa fraîcheur derrière la porte close
Elle retient son souffle et joue à être morte
Son toit ondule ses tôles dézinguées
J’aperçois
Les bottes de foin qui cherchent à rouler
Au bas du précipice qui s’ouvre sous le cadre
La forêt toute proche aux couleurs ombreuses
Si la chaleur remonte le long de ma colonne
Je ne me risque pas
Pourtant comme j’ai envie
Je suis comme l’enfant qui aime ses frayeurs
Qui en tire plaisir sans l’avouer à personne
Attention à l’heure
Je vais être en retard et je n’en ai que faire
Ou plutôt, ça me plaît


Qui est-il
L’oiseau perché qui se fond dans le bleu
Et que je n’avais vu au moment du déclic
Un voyageur probable ?
Un voyeur sans doute ?
Un innocent volage ?
Un visionnaire impavide ?
Celui qui frise ses plumes
Au bord de ma vision

Toi qui regardes
Cligne
De l’oeil
Pour le voir
Derrière les couleurs
Qui marquent leurs triangles


Sur le dos de sable
Échouées, nos illusions
Baleines repues
Phalènes brûlées

Le gris domine
Gris le ciel
Gris le mont
Grise la baie
Surchauffe

Comme un tableau d’apocalypse
Outre-monde
Où l’humain se serait brûlé les ailes
Outre-monde
Solitude incendiaire