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Véronique PEDRERO

Fragments de souvenirs épars

Il y a souvent un oiseau perché où qu'on aille

Tiens, par exemple, cet après-midi, trois pigeons sur la cheminée d'une maison
Ce matin, des tourterelles, au moins quatre, sur les fils téléphoniques, en grande conversation
Roucoulades de rigueur

Quand ils ne sont pas perchés, les oiseaux picorent, ou avancent reculent la tête
Pour se donner un rythme
Certains courent
Comme ces pigeons devant la détermination indéflectible d'un enfant
Le garçon tente de les attraper
Un reste devant
L'enfant rit et court
L'oiseau ne s'envole pas
On dirait qu'il se plaît à être suivi
Sacré ballet
On dirait qu'ils jouent ensemble

Bonjour
Hello
Au revoir
Bye bye

Un jeune homme en ensemble rouge, genre pyjama
Personne ne lui demande s'il vient de se lever ou s'il va se coucher
Pourtant, on pourrait le faire

Une petiote, un chiffon à la main, consciencieusement, essuie
Elle passe et repasse le chiffon sur les tables du bistrot
Les tables sont bien plus hautes qu'elle
Elle se met sur la pointes des pieds
Elle ne voit pas les miettes, ou le sale
Mais elle passe et elle repasse
Consciencieuse, elle recommence

Il y a toujours cette odeur d'eau quand on entre dans le parc
Une odeur d'eau qui coule
Qui se la coule douce et vive
Ce n'est pas du tout la même odeur que celle du fleuve
Avec son arrière-goût de vase, d'eau qui cherche des trous et s'y prélasse

L'eau vive et l'eau du fleuve ne sont pas du même bord
Pourtant, toutes deux sont le l'eau
Pas de la même trempe
Oserais-je tremper mes jambes dans l'eau ?

Et le gardien est toujours là, immobile
Sept heures viennent de sonner au clocher
Ça va fermer
Il est l'heure

Les raisins blancs prennent le soleil dans leur cagette
Démesurément
Personne ne se préoccupe d'eux
Ils vont bientôt virer au jaune, même au brun
Et là, ils ne seront plus aussi appétissants

J'ai vu un rat traverser la chaussée
Dans le rond des phares
Il avait l'air pressé
Quand il a atteint l'autre rive
La nuit l'a avalé

La chatte roule son ventre
Par terre
Sa colonne se cambre
La chatte étire ses pattes dans la poussière
Elle prend un bain de particules de plaisir


Le ciel est pris dans la tourmente
Il guette la trempe
Quand elle s'abattra, il ne pourra plus fuir
En attendant, il y a le vent
Puissant, fougueux
Avec ses arrêts brusques
Et ses reprises furieuses
Une énergie à couper le souffle
À activer ses perceptions comme une chair de poule

Le ciel, le vent
Un ballet dont on ignore le début et la fin

Le vent, le ciel
Le vent qui pousse les nuages
Qui pourfend le bleu
Et jette du gris
À la volée

Le bleu poussé hors du champ
Il a pris sa part cet été
Maintenant, il doit céder le passage
C'est l'usage
Il doit s'y conformer
Même en étant renfrogné

Allez, oust !


Pendant que le film déroule ses images
L'araignée du soir
Que personne n'a conviée
Remonte le longe de son fil
Ombre sur lumière
Ombre en avant-scène
Indifférente à la distraction qu'elle engendre
Son but ?
Atteindre le plafond
Sans doute y est-elle parvenue
Cependant, je n'ai aucune preuve à offrir


Des tas de petits ronds dans l'herbe
Certains si petits qu'ils sont prompts à se cacher
À se dérober à la vue
Il faut avoir de bons yeux pour les débusquer

Il a plu il y a deux jours
Puis le soleil est revenu
Mais pas suffisant pour que les chapeaux odorants se déploient
Peut-être demain ?
Peut-être après-demain ?

Je suis venue avec mon panier
Je ne les ai pas vus tout de suite
Au moment où j'allais abandonner
Savaient-ils que je les cherchais ?
Un, puis deux, puis trois se sont révélés

J'ai sillonné le champ
Minutieusement
Si je n'ai pas rempli mon panier
J'en ai tout de même tapissé le fond
Maintenant ils sont gentiment en train de sécher
Avant d'être mangés