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Véronique PEDRERO

Fragments d'automne

Sur la vitre embuée je trace
Des bouts de mémoire

Derrière le portail du jardin
Se tient un homme
Sur le trottoir de nuit
Les lumières des guirlandes
N'éclairent pas la scène
Il reste hors-champ

Le ruban végétal lui fait un appui
L'homme y pose son dos
On dirait qu'il guette le son
Les images à travers le grillage
Qui quadrillent

L'homme fume
Glisse sa main dans sa poche
Se gratte la tête
Se frotte le visage

Un air de violon
Et il a disparu
Envolé ?
Effacé ?
Effrayé ?
À sa place, sur l'asphalte encore chaude du jour
Des cohortes de phares vrombissants
Dans la nuit
Balaient les visions

Soleils et ombres entre nous
Faisceaux

Sur la table basse
Une fiasque d'alcool jaune
Une fiole de jouvence
Le citron a pris des degrés
Les gorges s'échauffent
On parle émotions, intellect, coeur et tête
D'où ça vient et où ça va
Ou pas
Les paroles s'embrouillent
Pas les amitiés

Les amis restent assis
Au coin du canapé
Les langues longuement lapent
Le liquide sucré

La maison dort
Encore
Ne pas faire tinter les couverts
Tirer lentement le tiroir
Compter mes gestes
Encore
Éviter les bruits qui clicaillent
Ce n'est pas un régiment
Préférer le confus
Le diffus
L'étoupe de nuit est encore posée
Sur l'oreiller
Un courant d'air pourrait la faire s'envoler

On pourrait se croire en forêt
Quelque part pas loin de Québec
La maison de bois
Derrière le chêne
Et juste sa fenêtre
Fermée
La maison, je n'ai pas envie de la voir davantage
Je préfère la deviner
La maison en planches ajustées
La maison de bois que je ne vois pas
Ou à peine
Son oeil unique me suffit
Je l'observe
Elle peut-être aussi
Nous sentons nos présences

Entre nous, une palissade enchevêtrée de feuilles
Elles ont pris toutes leurs aises
Les feuilles
Elles ne voudraient pas qu'on les déloge
Elles regimbent à rentrer dans le rang
À se tenir bien droites
Elles entrent en reptation