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Véronique PEDRERO

Entrée en gare

Ils se tenaient le cœur battant au bout des mains
Sur un trottoir de gare en ce dimanche matin
Soleil au bord des lèvres
La nuit d’or s’attardait au coin de leurs regards
Ils allaient se quitter, risquaient d’être en retard

Ils mêlaient leurs cheveux, leurs souffles et leurs voix
Ils frottaient leurs deux peines
C’était juste leur instant, parmi des mille et cents
Juste deux amoureux qui vont bon an mal an

Ils ne regardaient pas le ballet des oiseaux
Ils ne ressentaient pas les bercements de mer
Les couleurs chatoyantes du lever de rideau
Ils n’en avaient que faire
Chacun ne serait qu’un
Ces juste deux amours allaient se séparer

Et si je les voyais
Je n’entendais leur cri
Mais je sentais leurs peaux, les frottements, les traces
Encore chaudes des draps quittés en grande hâte
troqués un peu trop vite contre un matin blafard

Elle portait des bagages, lourds au bout de son bras
Il avait les mains vides au fond de sa parka
Elle jetait des regards vers le panneau des trains
Une mèche sur son œil retombait comme de rien
Elle chassait la cruelle qui revenait sans cesse
Lui retenait le vent mais n’ayant pas de laisse
Il ne pourrait longtemps retarder son départ

D’ici je les voyais
La grande aiguille bougea
Le train entra en gare, le tableau s’effaça
Quand ses fieffés rouages filèrent sur les rails
Il resta le quai vide piqué de leurs bécots