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Véronique PEDRERO

Dors, mont

Dans la cluse printanière
Le bitume file droit
À l’écart, un village blotti
Où la route se torsade
Usé, le goudron se creuse
Le ruban est si maigre
Qu’il faudra se garer
Si l’on doit se croiser

Le soleil se voile
L’air ambiant fraîchit
Je reviens en automne
Je passe des hameaux
Repliés sur eux-mêmes
Oublieux d’aujourd’hui

Un chevreuil, furtive vision
Aurait-il pieds d’homme
Ou couronne de roi
À moins que ce ne soit
Un esprit qui voyage

À moitié de la pente
Le ciel lâche ses flocons
D’abord épars puis drus
Dois-je continuer
Ou rebrousser chemin
J’hésite, je tremble

Je me hisse sur les ombres
Un replat, c’est le mont
Me voilà arrivée
Des sentiers convergent
Les fossés débordent de neige
Le vent fait de traverses
Me chuinte des histoires
Dans les replis des pierres

J’aperçois des toitures
Vieilles granges rompues
Aux cheminées muettes
Sous l’épais manteau blanc
Pas de fil de fumée

Je ne peux résister
Dans l’un des ventres creux
Je marche sous le regard des dormeuses
Jadis, elles abritaient des hommes
Aujourd’hui elles veillent
Sur le silence

Je me crois chaperon
Suivie par compère loup
Où serait donc mère-grand
Il faut aller au bout

Au bout est une maison
Un puits et son chapeau
Un four qui mitonne
Des petits pains joufflus
Un drôle de bonhomme
Qui sourit à ma vue

Son rire franc éclabousse
L’hiver qui s’enfuit
Le bleu de paix revient
Soudain et bienvenu
Et quand l’édredon fond
Ne reste que quelques flaques

Je regagne sans hâte
Mon carrosse des rues
Le serpent à dos moite
M’entraîne dans la pente
En bas la nature chante

Au sommet de l’abrupt
Le mont s’est endormi
Il a les pieds au sec