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Sylvain BERNON

Maman !

Dans le fond des paupières d'une beauté perdue
se dessine au couteau ce regard disparu,
celui qui me berçait jusque tendre sommeil
et venait m'embrasser le matin au réveil.

Ô défaite de l'âge, aux adieux interdits,
je te revois debout à déguster la vie,
à fumer les entrailles du rire résistant,
à verser tout l'amour qui coule dans mon sang.

Tout au fond du fauteuil, tu t'éclipses maman,
il n'y a qu'à voir dans tes yeux comment sèche le temps,
comme ces gens qui disent que c'était mieux avant,
cette époque où j'étais un peu plus ton enfant.

Maman!
C'est un peu de ma vie qui s'efface en ta chair,
j'ai beau battre des ailes tout ramène à l'enfer,
quand même le crayon a le goût du cimetière.

Maman!
Comment peux-tu lâcher ce besoin de guérir,
toi qui m'avais promis de toujours t'en sortir,
c'est toi qui perd la tête et c'est moi qui délire,
arrête ton cinéma c'est pas l'heure d'en finir !

A l'espoir imbécile qui fracasse mon cœur,
aux pendules sans aiguilles qui font battre les heures,
j'ai la peur douloureuse et la douleur rongée,
à l'idée que tu veuilles à ce point me quitter.

Alors tout ça n'était que paroles en l'air !
Aujourd'hui dans ta bouche, cette odeur de cancer
qui discute à ta place, où es-tu cachée maman?
Où est passée la femme, grand-mère de mes enfants?

Regarde-les danser aux bras de l'horizon !
Comment peux-tu maman oublier leur prénom?
Toi qui pouvais par cœur réciter ton amour
à tous ceux qui sans toi n'auraient pas vu le jour.

Je me rappelle encore de tes pas sans aigreurs,
de ton sourire vainqueur imprégné de douceur
qui grimpait sans relâche les pentes descendues,
Dieu que belle est la lutte quand la guerre est perdue !

Funambule sans fil me voilà orphelin,
avant que la faucheuse ne déclare la fin,
qu'elle aille se faire foutre ! Je veux sentir encore
tes deux bras se serrer tout autour de mon corps.

Maman!
T'as pas honte déjà d'annoncer tes adieux !
Comment moi vais-je faire pour pleurer sans tes yeux ?
Je te garantis rien je ferai de mon mieux
pour pas finir comme toi lorsque je serai vieux.

Maman!
Allez viens sors de là et bouge-moi ce cul !
pour tromper le destin qui se trompe de rue...
Il y a encore du bonheur, pour toi que j'ai connu
mais, depuis quelques mois, que je ne connais plus.