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Sylvain BERNON

Ma feuille

Toi ma feuille, mon amie, qui a su résister
A ces coups de crayons trop souvent aiguisés,
Quelques mots pour te dire que je te remercie
De rester près de moi tout au long de ma vie.

Quand tu m'offres page blanche, j'entends ton doux appel :
« Salis-moi, cher poète, de ta plume la plus belle,
N'épargne pas les lecteurs qui t'ont abandonnés
Au moment où tes maux recherchaient l'amitié. »

Cet appel, mon amie, je l'entends nuit et jour,
L'entends-tu toi aussi quand je parle d'amour ?
Déversant dans tes lignes mon sang lourd de fumée
Comme si tu étais là, la seule que j'aime aimer.

Pourtant rappelle-toi de nos valses presque impaires,
Je nous vois m'enfoncer comme si c''était hier ;
Et cet homme aux cents noms, qu'est-il donc devenu
Depuis qu'il a trouvé que je me suis perdu ?

Ainsi donc est parti le prophète sauveur
Sous mes doigts trop sceptiques pour jouer les menteurs ;
Avec toi j'ai chassé le révolutionnaire
Qui dormait à l'étage bien trop loin de ses frères.

Tant de mots partagés en toute intimité,
Je ne t'ai pas vendu aux regards carnassiers,
Toi et moi c'est écrit dans le vers qui suit :
Comment pourrais-je trahir notre douce poésie ?

Tu étais là, présente, aux pieds de mon empire,
Toujours là au moment où j'ai voulu m'enfuir ;
Tu m'as accompagné même devant ce cercueil
Où je me refusais à pouvoir faire le deuil.

Et cette chute si violente que tu as transformée
En quelque chose de chaud, dis comment as-tu fait
Pour me sortir de là ? Congelé, du dehors ;
Avec toi j'ai appris à ne pas être mort.

Moi qui ai toujours détesté être seul
Et cogner de trop près les miroirs dans ma gueule,
Tu apaises mes craintes et caresses l'idée
Que nous avons un rôle quelque part à jouer.

Peut-être auprès des autres cœurs fragiles du soir
Défendant l'appétit de se coucher trop tard ;
Peut-être pour les uns qui ont laissé tomber
Attendant patiemment que l'on vienne les chercher.

Ou alors simplement que nous sommes là pour nous,
Devines-tu dans nos yeux que je suis à genou ?
A deux pas de tomber si loin de ce ruisseau
Qui emmène avec lui ce qu'il reste de beau.

Alors même si ta peau connaît tant mon chagrin,
Ou même si je découvre qu'il est bon d'aller bien,
Je me moque de savoir que jamais rien ne dure
Si tu ne formes qu'un avec mon écriture.