Ma dernière seconde
Qu'attends-tu pour frémir insolente inconnue,
si ma peau défrissonne a-t-elle trop attendu ?
Cette unique seconde, qui dure et dure encore
jusque dans le silence indolore de mon corps.
Le temps passe et mes mains se plaisent à tricher,
aux abords du grand âge, l'écriture se tait ;
point final, à la ligne. Les rides ont eu raison
de ces quelques ratures paradant sur mon front.
Résistance aux regrets, aurais-je eu d'autres choix
que de semer des miettes deux trois rêves plus bas ?
Trop tard, le dos tourné, je recule devant
tout ce qui reste à vivre, juste ici... Maintenant.
L'heure est grave, toujours, depuis ce premier jour ;
Ô caprice cupide ! Si mon cœur est amour,
laisse-moi donc poser une dernière fois,
mon regard sur un monde qui a besoin de moi.
Avant que ma cervelle ne se moque du pire,
en gobant des culs secs pour mieux se resservir,
sans mouiller l'évidence ; ai-je honte de boire
à la santé de ceux qui vieillissent trop tard ?
Triste adieu, dirait-on... S'il me reste une dent,
cela me suffira pour rester vigilant :
père grand ou grand-père, qu'importe la hauteur
lorsque le souvenir prend la place du cœur.
Et je me vois déjà allongé dans ce lit,
dans cette même seconde, la dernière de ma vie ;
racontant aux suivants qui était leur ancêtre,
une rime en pourboire avant de disparaître.
Quelles traces ! Liberté, amour, belle folie !
- Qu'as-tu fait de tes doigts avant d'être flétri ?
Une terre. Quatre mots : tout est gravement beau.
Et ton sang, mon enfant : - Mon papi, ce héros !
Ce sera mon regard, ce sera l'autre camp,
Celui dont les couleurs s’acoquinent au blanc,
Sagace signature, compagnons, je rougis :
Cent mercis ! Car sans vous, je n'aurais rien écrit.
