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Sylvain BERNON

Lundi copié-collé

Six heures vingt du matin, je m'en vais me lever
en pensant qu'à l'époque de ma belle innocence,
c'était l'heure à laquelle je pouvais me coucher ;
je casse mon réveil et la journée commence.

Bonjour à mon amour, a-t-elle bien dormi ?
Un gâteau dans le bide, mes yeux dans le brouillard,
j'observe mes enfants bien au chaud dans leur lit,
un bisou sur le front, on est presque en retard.

Dix minutes ont passé, me voilà sous la douche,
j'apprécie le moment (parfois même un peu trop).
Au revoir mon amour, un bisou sur la bouche ;
les bouchons s'impatientent : direction le boulot.

Ainsi conduit toute seule la voiture du sommeil,
elle connaît par cœur ce silence qui baille ;
par moment je l'entends clignoter vers Créteil
puis soudain s'arrêter déposer la marmaille.

Je roule une cigarette, salue trois camarades ;
le portable à la main, je termine cette chanson.
Huit heures trente déjà et c'est la bousculade,
dans les couloirs s'amuse un groupe de garçons.

« On se calme et on ouvre son cahier bleu blanc rouge,
lisez bien la consigne avant de commencer ! »
Sur les chaises à présent plus personne ne bouge.
Faut-il avoir le blues pour être concentré?

Là j'ai perdu le fil où tout est expliqué ;
aucun triste manuel n'apprend comment écrire,
« Dans : ''Le maître est un con.'', faut-il mettre E-S-T ?
Ou une préposition ? » Difficile de choisir...

Un élève me dit au milieu d'une séance :
« Mon papa a quitté la maison de maman,
depuis que je suis né, j'ai jamais eu de chance. »
Je réponds : « Maintenant, mets ta phrase au présent. »

Quand sonne l'heure des frites et d'une réunion,
j'allume une autre clope pour un peu m'isoler.
Pédagogie mon cul, certains haussent le ton ;
« Qu'en penses-tu ? », « J'en sais rien, je n'ai rien écouté. »

Début d'après midi, sieste non méritée,
histoire, géographie, une bagarre entre amis.
« Je veux savoir lequel des deux a commencé ! »
Réponse à l'unisson : « Moi je sais, c'est la vie ! »

Fin des cours, j'ai le cœur sur le point d'imploser ;
l'appel gronde à mes tempes que j'ai soif de m'enfuir.
N'adulant pas les flingues, je suis là pour creuser,
je m'enfouis au-dessous de mes yeux qui chavirent.

Arrivée au bercail, je garde ma casquette.
« As-tu fait tes devoirs ? Connais-tu ta leçon ? »
Les douches, la cuisine, la vaisselle des assiettes,
une histoire et au lit et bisou sur le front.

Le canapé attend que l'on vienne se brancher ;
Ô royaume des passifs qui travaillent à la chaîne !
Une série policière avant de se coucher
dans ce grand lit glacé où se glisse ma peine.

Aujourd'hui c'est lundi, mon amour de profil
m'offre docilement l'arrière de son corps,
je m'efforce, vite, vite, de viser dans le mille.
Il est vingt deux heures et tout le monde dort.