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Sylvain BERNON

La prison des sentiments

Repoussé mais curieux
De savoir si ses yeux
Ont une couleur de terre ou bien la couleur bleue,
Il courra rencontrer
Juste derrière, un peu caché,
Le cerveau libéré :
« Comment fais-tu, grand stoïcien,
Pour demeurer en vie, si loin de nos chagrins ?
J’ai croisé mon ami, et je crains qu’il n’aille bien !
Dîtes-moi tout : vous arrive-t-il de ressentir ? »
Le génie sans délire,
S’attendant au pire,
Trouva la question facile.
Puis, le propos aussi agile
Que celui d’un débile,
Il répondit :
« La réponse n’est pas oui.
Je cours, je pense, je trouve et je m’enfuis
Loin de ces chaînes qui ensorcèlent.
L’existence, jeune naïf, n’est triste ni belle,
Elle est là, simplement, de manière naturelle.
Avouez un peu, n’ai-je donc pas raison ? »
Enragé, blessé, le regard furibond,
L’homme sans nom
Vociféra son amour
A cent lieux des discours :
« Raison de quoi ? De rester sourd
A l’appel du cœur ?
De penser l’émotion comme un obstacle au bonheur ?
Pour tout vous dire : vous me faîtes peur !
Peur de voir le calme
S’installer, sans ces larmes
Pour nourrir la beauté de notre âme.
Désolé, grand prophète, je ne suis pas en prison ! »
Alors, silencieux, l’esprit ouvra son front :
« Adieu, je vous laisse, la mort attend mon inscription… »