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Sylvain BERNON

Causes perdues

J'ai vu ton nom sur une pierre gravée à l'encre de mes yeux,
j'ai vu jouer dans la poussière quelques gamins au cœur joyeux,
j'ai vu l'enfance se retirer un jour de pluie, maître du mal,
partie avec mon innocence à l'intérieur de ses mains sales.

J'ai vu l'amour me rassurer d'une promesse dans le cou,
j'ai vu se changer le désir en deux trois bises sur la joue,
j'ai vu l'imposture agresser l'accoutrement de ma candeur,
gardant malgré tout cette force, celle d'aimer mes agresseurs.

J'ai vu mes pas s'entremêler, suis-je le stupide à blâmer ?
j'ai vu sans doute d'un peu trop près l'épiderme d'un escalier,
j'ai vu comment une cicatrice pouvait, dans un moment de grâce,
se confondre avec le sourire ; réminiscence d'une grimace...

J'ai vu la Reine Maladie face au courage de ma mère,
j'ai vu mon père l'accompagner jusqu'aux profondeurs de l'Enfer,
j'ai vu tomber, se relever, tomber encore, puis triompher,
si aujourd'hui je veux chanter, c'est pour leur dire ma fierté !

J'ai vu mes valeurs se cogner contre la violence gratuite,
j'ai vu mon frère témoigner : « Ce con n'a que ce qu'il mérite ! »
j'ai vu mon corps s'interposer pour défendre tout ce que je hais,
entre la peste et choléra, moi j'ai du mal à respirer.

J'ai vu marcher le poing levé des visages Révolution,
j'ai vu leur pas se retourner vers le culte Consommation,
j'ai vu le cynisme aplatir les sentiments de l'être humain,
si tout se vaut, dans ce bas monde, alors je n'y comprends plus rien.

J'ai vu des verres se remplir et puis tant d'autres s'envoler,
j'ai vu le génie se blottir chaque fois contre l'écorché,
j'ai vu la tristesse ramper toujours derrière le Sublime,
c'est donc ainsi que la Beauté se reproduit de rime en rime.

J'ai vu la colère déclarer : « Tu me rends fou parce je t'aime ! »
j'ai vu la haine se tromper en accusant toujours les mêmes,
j'ai vu l'espoir résister à l’amour-propre du bonheur
car si l'humain est un bourreau, il sait aussi donner son cœur.

Un jour, je verrai la morale suivre l'appel des émotions,
le bien, le mal aura raison d'ouvrir la porte à la passion
car on raconte que Dieu est mort, que l'homme l'a assassiné,
c'est donc à l'homme de trouver, au fond de lui, l'humanité.

Voilà plusieurs années, je crois,
que tout m'échappe... Dis-moi pourquoi...
Je n'arrive plus à exprimer le quart du tiers d'un point de vue,
à force de tout remettre en cause, je plaide pour des causes perdues.