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Susan ANSE

Sur les traces

Mille ans, mille départs, Kyrill,
Tes rêves sont épars.
Tes terres sont fauves et tes vallées perdues,
Ta mer est noire et tes rivières diamants, nues
Ton lac est blanc, tes plaines sont braises
Ton ciel porcelaine que seul le souffle du vent apaise.
Alors qu'au loin le froid déjà emporte,
Flamboyantes les feuilles aux parures mortes,
Tes fourrures frissonnent dans tes palais d'hier
Maquillant le bruit sage des neiges de ses traces
Sous son ivoire velum, l'hiver déverse en flocons,
Des roses en pluie, exquise dédicace,
Le rire de tes frères, oubliés.

Mille fois, mille heures, Kyrill,
Tes rêves s'enfuient ailleurs.
Bohémien des steppes tu arpentes inlassable
Les collines, roches et cailloux, solitaire.
Aguerri aux combats de gloire et de glaive
Tes rebelles éperons chevauchent hors les lois,
Ta galopante monture et ta blanche misaine
Pourchassant ici-bas le Diable ottoman.
Patiente la mort se tient aux aguêts
Cartouchière des jours, elle dépouille
Les nuits d'ambre, narguant, arrogante
L'ire de ton peuple, opprimé.

Mille éclats, mille fleurs, Kyrill,
Tes rêves sont mirages
Les jours de gris ballottent le bleu et le ciel,
Au loin un orage plaintif se profile
En face l'écho s'échoue meurtri sur la rive.
Des lettres bohèmes, de cyrilliques rubans
Caressent le crépuscule de brocart de sang
Enflammant les ors de l'aube de tussor blanc.
Au chevet du Danube qui soupire en bleu,
Les corsages des femmes sont en fleurs,
Icônes sacrées de mystères enluminées,
Elles badinent et parfument l'air du temps.
Un parchemin de roses imprime
Le crépuscule, l'habille enfin
D'une robe de lin, seule.

Milles lieux, mille promesses, Kyrill,
Tes rêves se sont tus.
L'automne se languit fébrile
Des froidures de l'hiver, d'une dernière étreinte,
D'un dernier murmure brûlant.
Les champs au matin se sont réveillés chagrins,
Finies les récoltes de seigle et de sarrasin,
Le lierre et la fougère frissonnent déjà,
Tandis que le casanier été, enjoué
Musarde encore, un brin d'azur s'endort,
Enchâssant en camaieu mille feux.

Ô Kyrill, les mots sont censure,
L'émotion une blessure
Elle glisse sur les lignes, traverse la page,
Ouvrageant dans la marge
Sur nos lèvres exilées le plus secret des baisers.