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Sébastien BROUCKE

Le géant

Je voudrais qu’un géant dans ce monde apparaisse !

Qu’il se lève sans glaive et vienne pour la paix,

Un homme qui domine et qui jamais ne blesse,

Ceux qu’il n’a pas été.



Nénuphar blanc qui trône au dessus de la vase,

Il serait comme un dieu qui craindrait d’être vu,

Comme un oiseau qui plane humblement et qui rase

Des herbes inconnues.



Mais si l’homme était tel, pourrait-il rester pur ?

Aux louanges des champs, irait-il rester sourd ?

Souvent le héros perd, dedans ses aventures,

L’azur des premiers jours…



Humble, ce messager ne viendrait pas sans souffle ;

Ce qu’on voit en premier, ce que Dieu tient pour rien,

N’est qu’un étui brillant dans lequel il camoufle

L’immense auquel il tient…



Fier, doux, sans prétention, sans le torse qui bombe,

Supportant en son cœur les maux qu’on lui prédit,

Ce portefaix de vie, calme comme une tombe,

Enseigne, appelle et prie.



Dedans ses mains point d’or, à ses doigts pas de bague,

Son trésor est ailleurs, surprenant océan,

Bien plus vaste et profond, sans esquif et sans vague,

Puits sans fin, trou béant…



Il est l’unique issue, le seul besoin du monde :

Le Pardon qui s’approche, offrande, Liberté,

La Tendresse envahie par la Grandeur féconde,

Et par la Vérité !



Mais sera-t-il vraiment ce que la terre espère,

Et tous ceux qui le louent seront-ils satisfaits ?

Au sage plein d’amour souvent l’homme préfère

Un roi et une épée !



S’il n’a pas de couronne, il captive la vue,

Et comme des oiseaux cachés dans les taillis,

Chacun s’effraie mais guette ce nouveau venu,

Qui jamais n’a failli.



Lui ne s’étonne pas, rarement il s’irrite ;

On l’adule, on le flatte, et si les chiens aboient,

Il avance serein et n’a qu’une limite :

L’infini de sa foi.



On ne sait pas son âge, on ne connaît son père,

Monte-t-il de l’enfer, redescend-il des cieux ?

Brebis ou loup, qu’importe, orphelin solitaire,

Sans frère et sans aïeux…



Il comprend qu’on l’attend, il a le premier rôle,

Nul ne vivra sans lui… S’il est là ce matin,

Ce n’est ni par pitié, ni pour des vierges folles ;

Peut-être une catin...



Il est loin de son fief, se trompe-t-il d’adresse ?

Le héros entre en scène, il mange, parle, il boit,

Il est fort et subtil, adroit, plein de sagesse,

Est-il seul, sont-ils trois ?...



Soudain c’est un jardin, partout des oliviers,

L’envoyé se relève, il est sans doute l’heure,

Pourquoi faire un baiser : glorifier le sorcier,

Ou lui rompre le cœur ?



« Quel est ce voyageur ? Contemplez son calice,

Il veut ne pas le voir, n’ose le repousser…

Pourquoi ne dit-il rien, de qui donc est-il fils ?

Pouvons-nous l’en lasser ?... »



Le ciel devient pensif, s’enténèbre, se ronge ;

D’où viennent ces éclairs, cet orage inouï,

Quel voile se déchire, et vers quels enfers plongent

Les hommes éblouis ?...



Le géant ne fait rien, pire il se laisse faire ;

« Mais réveille-toi donc ! Est-il gourd, est-il sot ! »

Il a soif, il gémit, et Dieu se désespère…

« Est-il bon, est-il beau ! »



Son fils à l’agonie, le Père est à la rage !

Il pourrait se venger mais il n’a que ses pleurs,

Etonné d’être lui et d’offrir en partage,

Ce saint homme qui meurt !



- Tu l’as abandonné ! - Sourd ? Lâche ? Dieu suprême !

Ne feras-tu jamais retentir ta colère ?

Et verras-tu longtemps, écrasé, Toi qui aimes,

Le meilleur sous le pire ?



Le temps passe interdit sur trop de siècles noirs,

Rien n’a changé, tout meurt, et las, s’essouffle en nous,

Inexorablement… ce qui restait d’espoir,

Ce qui restait debout !



Par de puissantes mains, je voudrais qu’on m’entraîne,

Dans un monde où l’amour n’est pas celui d’ici,

Où le roi n’est pas ivre, où la loi n’est plus reine,

Où le géant survit…



- Ce souvenir de moi, n’est-ce pas là l’empreinte,

La preuve irrécusable, impitoyable, vraie,

Que le moment de vivre est une longue étreinte,

O ! Désillusionné ?