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Sébastien BROUCKE

Le diable amoureux

Me voila revenu dans ce parc ombragé ;
C’est ici, sur ce banc, que j’ai vu voyager
Mes plus belles pensées, et que voilé des cieux,
J’ai pu sous la feuillée m’enflammer à ses yeux.
C’est dans ce lieu coquet que la pénombre allume,
Près de ce bosquet vert que le printemps parfume,
Qu’elle m’est apparue. Depuis lors je la voie :
Où que j’aille, invisible, elle orne mes sous-bois.
J’étais bien jeune alors, les cheveux en bataille…,
Ah, je la revois rire en voyant tant de paille !
Les saisons ont passé, je dois être plus vieux,
Mais depuis ce regard… plus un cadeau de Dieu !
Peut-être que le ciel en m’envoyant cet ange,
N’a plus rien à offrir au cœur qui le louange.
N’ayant jamais revu ma déesse un seul jour,
Mon cœur lourd, embaumé, n’attend plus son retour.
Seigneur, ai-je rêvé ? Seigneur elle était là !

Sa robe toute blanche où volait du lilas…
Même ce souvenir auquel tout me convie,
Me remplit l’âme d’ailes, est d’elle inassouvi.
Est-il possible alors, dans ce jardin si vert,
Quand tout vante l’été, qu’un cœur soit en hiver ?
La chaleur point déjà, les beaux jours se rapprochent,
Et le chant des oiseaux couvre le bruit des cloches ;
Dans quelle église aller, ce parc est mon seul temple,
En serait-il un autre, assez large, assez ample,
Pour contenir l’amour que j’ai pour cette femme ?
Ma vie est une croix dévorée par ma flamme,
Puis-je éteindre ce feu, descendre de ce bois,
Redevenir moi-même ou m’éloigner de moi ?
Roffrez à mon regard le sien qui me perfore,
Son œil est une lance et tout la commémore :
Mon âme a sa langueur, au cœur j’ai cette plaie,
Et mes larmes tombant me font un chapelet.
Je n’ai plus d’avenir, ou du moins il est sombre :
Ainsi que la ramée qui ce matin m’obombre,
Mes jours ont la clarté des maux que j’y suspends !

Ce qui bruisse alentour me blesse les tympans,
Car lorsque tout mon cœur n’est plus qu’une prière,
Un pépiement vers Dieu du fond d’une volière,
Qui répond, qui descend, qui s’intéresse à moi ?
Tout se moque d’un homme ayant si peu de foi !
Pourtant là sur ce banc, il semble qu’un murmure,
Ose de temps en temps poser sur ma blessure,
Des mots empreints d’amour ; et lorsque ce baiser
Vient enfin l’effleurer, mon âme hante, apaisée,
Les allées du grand parc où j’écoute en cachette,
Mes plus doux souvenirs parlant en tête-à-tête ;
Ils disent que j’ai tort de mépriser l’amour,
De m’écouter autant tout en restant si sourd ;
Je devrais, pensent-ils, dessiller mes paupières,
Repartir en voyage, enjamber les rivières,
Puis repeindre ce banc, la pénombre et mon âme,
Aux couleurs de la robe où les lilas s’enflamment…