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Sébastien BROUCKE

D'ombre et d'effroi


De la vie, des objets, des arbres et des gens,
Les détails s’oubliaient en formes imprécises,
Les lignes restant floues, les courbes indécises,
Aux façades sourdait l’écho des mouvements.

Comme au guerrier jaillit l’ivresse au sang qu’il verse,
La souplesse allait noire et sur le blanc du dur ;
Radieux crucifiant mille ombres sur les murs,
Le soleil frappait tout de ses milliers de herses !

Obscurité, clarté, l’une à l’autre soumises,
Il faisait chaud, peut-être, aux soldats trépassants,
Car semelles collées, le bruit des survivants
Allait le même pas qu’un silence d’églises.

Pourtant, l’hiver était cette année bien sévère,
Et s’il avait donné plus qu’il n’en faut de neige,
Le carmin de leurs vies coulant aux fumées beiges,
Les humains aveuglés le payaient vite et chair !

La jeunesse perlait aux profondes blessures,
Et brûlant des flocons tombés gratuitement,
Cette cire rougeâtre aux enfants titubants,
Laissait chaque âme au ciel remontait sombre et pure…

Car un cierge s’éteint dans une odeur d’encens,
Les secondes de vie comme une armée qui rampe,
Dans la tête ouragan, tempête dans les tempes,
Ruisselaient des parfums de regrets aux mourants ;

A l’angoissant espoir d’aller rencontrer Dieu,
Le jour seul, clair encore et consumé de bleu,
Au milieu du béton, du fer, des coups de feu,
Rentrait dedans leurs plaies comme dedans leurs yeux !

Ils gémissaient «Maman…», ils murmuraient «de l’eau»
Et répandant leur sang rendaient leur dernier souffle,
Le corps percé de coups, de froid, les doigts sans moufle,
Dans des cris de douleur et quelque chant d’oiseaux.

Revoyant un fauteuil, un chien, quelques couleurs,
L’enfance entre-tuée aux mêmes idéaux,
Le sombre des cercueils au calme des tombeaux
Se refusait rageur à ces morts pour l’honneur.

De la vie, des objets, des arbres et des gens,
Les détails s’oubliaient en formes imprécises,
Les lignes restant floues, les courbes indécises,
Aux façades sourdait l’écho des mouvements.