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Roger VIDAL

Sixties

Tu as jeté tes mots sur papier tels des cris,
Feuilles vives venues, portées par le mistral,
De ce monde enclavé en l’hémisphère austral
Cet univers, le tien, tel que tu le décris...
Mais c’est d’une autre vie sais-tu que tu m’écris.

Je me souviens de toi comme une autre culture
De ce hasard dressé aux lignes de ta main
Et de ces fleurs tressées dans le creux des chemins
Où nous cherchions l’amour d’air pur et d’aventure.
En ce temps tous ces riens me sont des références,
Cette poupée de chair et celle de chiffons,
Ce châle sur lequel étaient peints des griffons,
Ah ma tête pourquoi autant d’incohérences ?
Je savais la cerise à ta lèvre charnue
Que je croquais fin mai comme un fruit sur la branche
Au loin cette vision d’un port, Alger la blanche,
Puis la pluie en tes yeux, mes doigts sur ta peau nue.
Tout là-bas mûrissaient l’orange et la grenade
Alors que susurrait quelque chanteur de charme :
« Et le temps d’un sourire et le temps d’une larme »
Et nous nous amusions de cette sérénade.
J’essayais de comprendre, inutile Sartrien,
L’essentiel de la vie mais mon seul vrai décor,
Ma seule vérité, c’était toi et ton corps
Dans ce sentier moussu qui ne menait à rien.
Et le souffle du vent qui m’avait emporté
Sans que j’ai deviné au juillet étouffant
Que palpitait en toi un cadeau, cet enfant
Notre amour comme un fruit mais déjà avorté…
…Qu’as-tu gardé de nous lors que tant de printemps
Sont venus se poser sur l’ombre, notre vie ?
Et nos passions sais tu combien sont en survie
Toi qui m’écris : « sans joie le temps est si longtemps ».
Après avoir été pouvons nous toujours être?
Aujourd’hui me revient de l’autre bout du monde
La fane d’un amour. Que ma peine est profonde
En lisant ta détresse à travers cette lettre.

Je me souviens de toi, ce bonheur clandestin
Ah je ne sais pourquoi et je ne sais comment,
Mon épousée de mai, mariée d’un moment,
Tu ne fus tout au plus qu’en marge du destin,
L’étoile d’une nuit qu’éteignit le matin.

Le 18 mars 2008