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Roger VIDAL

Prisons

Jusqu’au bout de la nuit, jusqu’au bout de l’horreur
Vos visages et vos yeux et puis vos mains témoignent
Malgré l’oubli, les jours, le temps qui tant éloigne
L’ombre de Ravensbrück jusqu’au bout de la peur.

Un train vous ramenait, libérées de vos fers
Revenantes de l’ombre, apparitions muettes,
Qui gardiez enfermée tout au fond de vos têtes
Sans- doute pour toujours, l’image de l’enfer.

Et vos bouches sans voix nous taisaient le délire
Vos images figées sont là, à tout jamais,
Vos lèvres sans couleurs où vivaient enfermés
Les mots de la folie impossibles à dire.

La marche sans espoir, tel vulgaire bétail,
Les ordres brefs jetés, insultes, invectives,
Les sifflets dans le soir de ces locomotives,
Le battement des roues aux jointures des rails.

Vous avez tout vécu, le matin d’un départ,
La faim au quotidien, la honte et la faiblesse,
Les tortures sans nom, la terreur des SS
Tout cela pour toujours inscrit dans vos regards.

Vous avez tout vécu, la prison les barreaux,
Les rondes dans la nuit et l’horrible manège,
Les attentes pieds nus dans l’eau ou bien la neige
Des femmes à genoux battues par les bourreaux.

Etiez-vous vivantes ou faisiez-vous semblant,
De peur certainement que la mort ne survienne
Doucement par surprise et puis ne vous emmène,
Vous qui aviez perdu le statut des vivants ?

C’était voila longtemps, ce retour du néant
Mais les vieux films sont là et ils sont la mémoire,
De ce vingtième siècle aussi de son histoire,
Que ne meurent jamais vos ombres, revenants.

Sur le quai d’une gare, vous avez débarqué,
Libres un bien grand mot dans « la France éternelle»
Oui mais qu’est l’apparence ? Au fond de vos cervelles,
Prisonnières toujours, de votre chair marquée.

Le 14 février 2009