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Roger VIDAL

Nos rivages

Rives bleues dans le soir vers où courent mes rêves
Vous êtes dans mes yeux, aux brumes, engourdies
S’il n’était qu’un rivage à nos mers, comme grève,
Vous seriez celui-là et puis tout serait dit.
Nous marchions enlacés, nos pieds nus sur le sable,
Tes cheveux dénoués dans un vent de folie.
L’automne avec ses pluies et l’indéfinissable
Plantait droit en nos cœurs tant de mélancolie…
Nous n’avions pas vingt ans toi et moi ou à peine,
Nous courions vers plus tard tous nos songes devant
Nous récitions Guillaume et ses vers sur la Seine
Et le pont Mirabeau nos cheveux dans le vent…
Passaient les cormorans planant au ras de l’onde
Je voyais dans tes yeux danser des univers,
Nous étions ces enfants fabricants d’autres mondes…
Ah qu’es-tu devenue après tous ces hivers ?
Et je garde de toi cette image mouvante
Tremblée des douceurs d’eau au pinceau de la pluie.
Suis-je sentimental ? Etais-tu émouvante ?
Elles étaient ténues nos ombres dans la nuit.
Et ce petit enfant qui a bien failli naître
Et qui poussait en toi, l’as-tu donc oublié ?
Cette plage du Nord et tous ces kilomètres
De sombres préjugés, d’effrois multipliés.
Nous étions en prison aux barreaux des principes
Nous vivions sans savoir toutes nos vieilles peurs
Mais dis-moi mon amour comment on s’émancipe
Avec un tel corset, de ce monde dupeur.
Tes parents, ta famille qui allaient s’employer
Comme ça « pour l’honneur » à te récupérer.
-« Je t’aime tant tu sais mais il faut un foyer
Un enfant c’est trop lourd tout bien considéré »
Et je me sentais las et désarmé et lâche
« Un enfant à vingt ans … mes parents ont raison…
Que veux-tu, c’est le mieux, que personne ne sache »
Les bourgeois c’est ainsi, ils ont toujours raison.
Toi que j’avais prise comme une barricade
Qu’as-tu donc fait de nous et de nos utopies
« Nos matins chanteront… » Et puis passez muscade
Les dessins de nos vies n’étaient que des copies.
Et qu’est-il demeuré nos projets, nos vingt ans
Nous disions « Je m’en fiche du qu’en dira-t-on »
Tu t’es perdue je crois, dans les limbes du temps…
Nos souvenirs sont tels que nous les méritons.