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Roger VIDAL

Ne dis rien

Laisse moi t’inventer des horizons de dunes
En forme d’oasis, mirages à vau-l’eau
Musiques aux violons qui pleurent sous la lune
Des chaleurs pour nos nuits et pour nos soifs de l’eau
Et puis de longs colliers tressés aux opalines
Que nous irons cueillir aux gouffres infinis
Des rubis accrochés aux murs de nos vitrines
Des diamants- péchés qui seront impunis
Et surtout ne dis rien, ton cœur, dans le silence
Sait me dire nos mots avec tant d’éloquence….
Laisse moi t’inventer la mer sur la falaise
Les vagues au soleil, écumantes, d’argent,
Mais aussi des couchants d’incendies et de braises
Quand la mer monte au ciel ou que le ciel descend
Et qu’ils fêtent leur noce en cette démesure
Dans un mélange d’or et puis de rouge sang.
Je sais les ondines qui tissent et azurent
Les festons des marées aux franges d’océan.
Et surtout ne dis rien ma belle fiancée
Je frémis sur ta lèvre, aux mots imprononcés
Laisse moi t’inventer les nocturnes de lune,
Comme les soirs d’été ou bien les nuits d’hiver
Quand les paillettes d’or plongent dans la lagune
A Venise ou ailleurs, aux fonds des univers
Qui remontent de loin comme aux jours de nos noces
Lorsque je te tenais de mes mots un peu lourds
Aux bord de nos passions en nos rêves de gosses
Et surtout ne dis rien, de deux doigts de velours,
Je me rejoue Chopin, nocturnes en si bémol
Et tes mots sont mes airs qui prennent leur envol.
Laisse moi t’inventer des toiles pour tes cadres,
Des peintures volées, des dessins défendus
Laisse-moi t’inventer des naufrages d’escadres
Comme des Titanic, en des fonds descendus
Des croisières perdues, aux mondes diaphanes
À la paix revenue, aux berges amnésiques
Aux silences profonds, aux couleurs océanes
Etirant leurs langueurs au creux de nos musiques
Et surtout ne dis rien ma folie, ma passion,
Laisse parler la mer qui dit nos obsessions.
Laisse moi t’inventer les airs de nos néants
Et ton corps frémissant qui ondule au soleil
Comme l’algue emportée vers d’autres continents
En la frêle musique et nos songes pareils.
Je te reconnaîtrai aux douceurs de tes lèvres,
Au satin de ta peau, au galbe de tes seins
Cette onde de chaleur comme une douce fièvre
Quand tu viens effleurer la courbe de mes reins
Et surtout ne dis rien, qu’aucun mot ne remplace
Cette île de corail perdue dans nos espaces.
Laisse moi t’inventer nos propres existences
Au bord de nos destins, nos vies entrecroisées
Je te disputerai aux vides des absences
De mon rêve éveillé que le tien a croisé
Moi l’aveugle emmuré aux silences tragiques
Des paroles crevant comme des bulles d’air,
Je chanterai les flots mystérieux, nostalgique
Et les gouffres profonds et les salins amers
Et surtout, ne dis rien, il n’est d’autres musiques
Que celles qui en nous montent du fond des mers…