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Roger VIDAL

L'étranger

Je m’en vais chaque jour, un peu plus loin de vous,
Moi qui fus ce terrien aux brûlantes envies,
Mes passions, mes amours, aux troublants rendez-vous,
De vous, tous mes désirs, mes faims inassouvies.
Je m’en vais en sachant que des choses reçues,
Je n’ai jamais tenu que de moindres fragments,
Que de toutes durées, je n’ai jamais perçu
Que de très brefs éclats, que de très courts moments.
Ah oui, j’ai vu la feuille et non pas la forêt,
Ou le flocon de neige au milieu de l’hiver,
J’ai vu la goûte d’eau et non pas la marée
Ou parfois, une étoile et jamais l’univers.
Et je me suis cru riche et rempli de bon sens,
Je savais peu d’hier et bien moins de demain,
Je peux, facilement, les compter tous mes sens
En les énumérant sur les doigts d’une main.
Existons-nous vraiment ou rêvons-nous nos vies,
Au travers d’un miroir dont les reflets scintillent ?
Suis-je là bien présent ou souffle de survie,
Tel papillon croyant qu’il n’est qu’une chenille ?
Je l’en vais chaque jour un peu plus loin d’ici,
Un peu plus vers l’ailleurs que je ne connais pas
Mais je saurai enfin et c’est très bien ainsi,
Si je me suis rêvé, si je n’existais pas.
Je saurai s’il est faux ou vrai, que le temps passe,
Peut-être j’apprendrai ce qu’est l’éternité,
Une notion de temps, une notion d’espace,
Pour comprendre un peu mieux ce qu’est la liberté.
Elle existe, je sais, l’infinie transparence,
Au travers de laquelle est l’autre vérité.
Quand je l’aurai trouvée, que sera l’apparence
Et que saurais-je alors de la réalité ?
Enfants, nous fut donné, du visible, une image,
Il est dans ce décor, peut-être des génies
Ou des sages, des fous, des artistes, des mages,
Qui ont, en un éclair, côtoyé l’infini.
Ah, j’aurai plus appris, de deux vers de Verlaine,
De Van Gogh, du Gréco, palettes de couleurs,
D’un livret de Mozart ou d’une cantilène,
Que de tous les discours, pour vivre mes douleurs
Et je ne garderai, de ma mère, la terre,
Que les secrets du vent, comme un souffle léger,
Ou le chant des oiseaux, pour peupler de mystères,
Les silences profonds que je pourrai piéger.
Et il sera peut-être, une palpitation,
Mon apport personnel aux musiques du monde,
Comme une onde nouvelle, en cette vibration
Où, en infinités, tant d’autres se confondent.
Je m’en vais chaque jour, l’âme nue de rancoeurs,
Un peu d’or de la nuit, dans le creux de la main,
Un peu de poésie, tout au fond de mon coeur,
Je m’en vais d’où je viens, je suis déjà demain.