Rampante et déguisée, la bête vit toujours Allant de rue en rue et glissant sous les portes… Il nous aurait fallu plus d’heures et de jours Pour pouvoir affirmer qu’elle fut enfin morte.
Pourtant nous avions cru, en dressant le bilan, Qu’un beau matin de mai ou bien d’avril peut être Nous l’avions enterrée, sans doute pour mille ans Avec tous nos remords et tout notre mal d’être.
C’était dans un bunker, en plein cœur de Berlin Que nous avions cru voir détruit le nid infâme Il est vrai qu’en ces temps, en ce monde orphelin Il suffisait de peu pour rallumer la flamme.
El l’incendie s’étend, n’importe où dans le monde Où l’on construit des murs, Mexique où Palestine, Pour qu’elle ait le triomphe immodeste et immonde, Partout où sont vivants les hommes qu’on piétine.
Elle avance masquée, ici, car elle sait Qu’on la connue jadis dans ses fastes et gloire Mais il suffit de peu, un oubli du passé Juste un tout petit trou au coin de la mémoire…
Et sous un nom d’emprunt elle revient nous voir Discours moins guttural, noyé dans les vapeurs Du temps, pour les nouveaux qui ne peuvent savoir, Mais toujours démago en agitant nos peurs.
Et nos peurs c’est l’étrange ou ce qu’il nous en semble C’est ce rien d’égoïsme ou ce qu’il en demeure, C’est l’autre qui pourtant tellement nous ressemble Qu’il est pareil à nous quand il souffre ou qu’il pleure.
Et notre peur gît là, hors la fraternité Et souvent hors logique et hors toute raison Ah essayez d’y mettre un rien d’humanité Et nous y cueillerons des fruits d’autre saison.
Mais la bête nous tient un tout autre langage Hier elle disait Juif, communiste ou maçon Elle parle aujourd’hui de charters et voyage Ajoutant la musique aux mots de sa chanson.
Et pourtant le réel pose net le problème, Qu’on parle identité ou nation, pour exclure, C’est un autre refrain et c’est pourtant le même... Ah oui la bête vit et que sa peau est dure !
Vous la reconnaîtrez avec son air railleur, Evitant avec soin l’emploi du mot racisme Chaque fois que l’humain plonge dans le malheur Et son nom forcément donne ma rime en cisme.
