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Roger VIDAL

Des mots pour ne pas dire

Il en est quelques uns que j’entrevois dans l’ombre,
En saurais-je jamais, en saurais-je le nombre
Qui passent comme ça sans me dire au revoir
Et qui vont humblement peut-être sans me voir
De leurs jardins secrets, que pourrais-je savoir ?
Je les entends pourtant répétant sans mesure,
Avec les mêmes mots décolorés d’usure
Tant de certitudes aux phrases étalées,
Fadaises assénées aux images mêlées
Telles qu’on les entend, le soir, à la télé.
De ces langues de bois en nos têtes, clamées,
De ces chemins tracés aux parcours programmés,
Schémas qui en nos vies sont nés d’une cassure,
Oh cires modelées aux concepts qui rassurent
N’en avez-vous jamais ressenti la blessure ?
Ah je vous vois ainsi tels que je suis moi-même,
Comme au fond du miroir l’image que l’on aime
Ou que l’on n’aime pas, ça dépend des moments,
Pauvres cerveaux lavés aux mêmes sentiments,
Ah je vous vois toujours ! Ah je me vois vraiment !
Chaque ride naissant nous a pris quelque chose,
L’une les illusions, l’autre l’odeur des roses,
A tant nous regarder avec nos habitudes,
Nos extérieurs usés, nos pauvres certitudes,
Il m’en est demeuré comme une solitude.
Ah tous ces jours passés résumés en l’instant !
N’aurions-nous donc vécu ensemble tout ce temps
De ces seules valeurs par d’autres, fabriquées ?
Les instincts, les acquis, savamment imbriqués
Débouchent-ils toujours sur le songe étriqué ?
Qu’avons-nous fait de nous durant tout ce chemin
Qui puisse nous inscrire en d’autres lendemains ?
Ce qui fut en nos yeux dés que nous fûmes nés
De poussières de nuits plus qu’ils n’en contenaient
Peut-il nous expliquer le rêve abandonné ?
Ils ont tellement mis nos idées à genoux
Que pourrait-il rester qui ne soit que de nous ?
Peut-être une seconde à nos vies en passant,
Nos enfances perdues au monde adolescent,
Ah mes frères blessés de tant de mots blessants !...
Parfois je vous entends tout au moins il me semble
Et vos mots sont les miens…comme je vous ressemble !
Mais vous m’entendrez-vous si je dis autrement ?
Et comment sauriez-vous ce pauvre bégaiement
Quand je suis prisonnier de mes balbutiements ?
Serait-ce se parler que de dire « bonjour »
Avec l’anonymat des mots de tous les jours,
Aux lèvres remuées par des bouches fantômes ?
Car c’est ainsi qu’on fait dans la langue des hommes.
Vouloir aller plus loin serait un rêve en somme.
Mais ce rêve pourtant refuse de se rendre,
Ordinaire folie de vouloir se comprendre,
Rêve d’humanité encombrant à l’extrême
Et peut-être aussi vain qu’un sanglot au poème,
Ah je ne l’oublierai qu’en m’oubliant moi-même !