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René DOMENGET

Monde où vas- tu ?

Sans pouvoir espérer le soutien d’une épaule,
Elle va tête au vent et le froid dans le cœur,
Sans même apercevoir ces hommes qui la frôlent,
Elle arpente les rues en traînant sa douleur.
Le froid glace sa face et brûle ses mains nues,
La faim vrille son ventre à la faire vomir.
Fragile, abandonnée, perdue dans la cohue,
Elle cherche un endroit où elle pourra dormir.

Car on est en décembre et la neige est tombée
Dans les rues de la ville encombrées de passants,
Filant vers leur destin à grandes enjambées,
Dédaigneux du secours qu’implorent les mendiants.
Pourtant tant de trésors encombrent les vitrines,
Bijoux revêtus d’or ou encor’ de vermeil ;
La neige a la douceur des pas des ballerines,
Quand le cygne s’endort de son dernier sommeil.

Je ne vous conte pas des temps moyenâgeux,
Où mouraient de la peste ou bien de la misère
Tous ceux qu’on appelait des manants et des gueux,
Dont la vue déclenchait des bourgeois la colère.
Non ! Je parle des temps qu’ici bas nous vivons,
Á l’orée tant fêtée du nouveau millénaire,
Où l’on jette l’argent dans les rues par millions,
Au lieu de soulager les malheurs de la terre.

Ils vivent à Toulon, à Lille ou bien Paris,
Ils sont dans les bas fonds des cités d’Amérique,
Ils cherchent sans trouver l’eau de ces puits taris,
Là-bas dans les déserts du continent d’Afrique.
Et moi je reste là à chanter leurs angoisses,
Avec de pauvres mots qui me brûlent le cœur,
Á implorer les dieux de toutes les paroisses,
Sans pouvoir adoucir leurs craintes et leurs peurs.

Le nord contre le sud, nantis contre paumés,
Ce monde est en folie tout pétri d’égoïsme.
Qui donc pourra un jour lui apprendre à aimer,
L’empêcher de rouler dans un profond séisme ?
Toi, qui va ton chemin au gré de la fortune,
Poète n’es-tu pas le chantre de l’espoir,
Ce rêveur éveillé, ce fou pierrot de lune ?
Non, je suis dans la rue et je me meurs ce soir,

Chambéry le 30 novembre 2005