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René DOMENGET

Les coquelets qui voulaient être Grand Coq.

Il en est des humains comme il en est des poules,
Qui caquettent bien haut sans rime ni raison,
Cherchant à tout moment à effrayer les foules,
Noircissant de brouillard les plus purs horizons.

Ainsi donc en ces jours où, en terres gauloises,
Il devait se trancher un dilemme important,
Et enfin codifier les brumes bruxelloises,
Qui s’étaient épaissies depuis bien trop longtemps.

Le Grand Coq dominant voulu, quelle imprudence,
Par voix référendaire au lieu que du congrès,
De tout le poulailler savoir la préférence,
Sur ce choix historique et porteur de progrès.

Il croyait en cela agir avec sagesse,
Se disant convaincu de n’avoir point d’ennuis,
De pouvoir aisément compter sur la jeunesse
Qui, il en était sûr, se calquerait sur lui.

Qu’avait-il donc fait là ! Il déclancha l’orage.
La gente poulardière, en très profond sommeil,
Vit tant de coquelets monter à l’abordage
Qu’elle en fût réveillée bien mieux qu’au grand soleil.

Alors qu’il s’agissait d’organiser la ferme,
On voulut en rester au simple poulailler,
Espérant de ce coup par des propos très fermes,
Voir chuter le Grand Coq au pied de l’escalier.

Et de faire porter à notre terre entière,
Tant de maux et d’erreurs qui n’étaient qu’intérieurs,
« Le sol sentait mauvais n’ayant point de litière,
Le grain n’était pas bon, le brouet pas meilleur ».

On les vit de partout se déchirer la crête,
S’égorger, s’étriper pour un oui pour un non,
Les ergots acérés tenir la patte prête
D’estropier son prochain et gagner en renon.

Tant de bruit, de fracas venant de la volaille,
Ne fut pas bien compris des autres animaux.
On craignit que l’issue de toutes ces batailles,
Fit descendre la ferme en un profond tombeau.

Car c’était à l’union que l’on devait le calme,
Qui depuis soixante ans avait enfin régné
Sur ce grand continent qui détenait la palme,
De tant de vies perdues, de corps de sang baignés.

Mais des inconvénients les coqs n’en n’avaient cure,
Ils n’avaient qu’un seul but arriver le premier,
Et on les vit ainsi chacun forcer l’allure,
Pour être consacré le roi du Poulailler.

Allait-on arrêter le merveilleux voyage ?
Les autres animaux, eux, redoutaient le pire.
Ferait on sur la ferme éclater un orage ?
Seul le vingt neuf de mai allait pouvoir le dire.