Le prince des poètes
Avec verve, il nous a chanté l’âme du vin
Et sensuellement invité au voyage,
Tenté, bien que sachant l’effort tout à fait vain,
Pour peindre la beauté, de se mettre à l’ouvrage.
Nostalgique d’un temps où l’homme vertueux,
Au sein de la Nature et de riches essences,
Allait, plein de santé, droit et majestueux,
Décelant les parfums et leurs correspondances,
Il avait faim d’espace et d’azur étoilé,
D’horizons parsemés d’îles adamantines
Dont les climats très doux venaient lui rappeler
L’innocent paradis des amours enfantines.
Mais le sort le fit naître en un siècle perclus
Et dans une cité immonde et décadente
Dont les faubourgs crasseux, habitat de l’exclu,
Nourrissaient pesamment la misère mordante.
Dès lors, il fut contraint, pour exprimer son art,
De se rapatrier sur les choses funèbres
Et de porter ainsi un bienveillant regard
Aux créatures qui rampent dans les ténèbres.
Théoricien du spleen, chantre des vagabonds,
Des faibles, des damnés et des âmes chétives,
Victimes, assassins, ivrognes, moribonds
Devinrent les héros de ses fleurs maladives.
De la femme, il vanta les appas harmonieux,
Les formes qui en nous, inspirent tant d’alarmes
Mais sa muse n’était que poitrinaire, au mieux,
Au pire, ne pensait qu’à monnayer ses charmes.
Il a piqué mes sens lorsque j’étais jeunot
Et m’a donné le goût de la fantasque escrime
Où il faut ferrailler la matière du mot
Et parapher le vers par le sceau de la rime.
Et aujourd’hui encore, il m’est un bon soutien
Quand la mélancolie insidieuse m’accable ;
Avec sa poésie éternelle j’obtiens
Le précieux réconfort de son style impeccable.
