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Renaud BOSC

Le musée

Depuis un fameux bail, je rêvais de connaître
Ce musée regorgeant de peintures de maître
Et voici que j’étais à franchir le rempart
Des guichets pour m’offrir un banquet d’œuvres d’art.
L’esprit bien aiguisé d’un appétit farouche,
Je dégustais d’abord en tant que mise en bouche
Le Jeune Homme passant entre Vice et Vertu
Que signa Véronèse en son talent pointu,
Puis le Parnasse de Poussin où se mélangent
Des têtes couronnées de laurier près des anges
Et de Vouet, le Temps qu’il a représenté
Terrassé par l’Espoir, l’Amour et la Beauté.
Emmené par Titien et par Le Caravage,
J’entamais les hors d’œuvre avec grand étalage
De toiles dont la gloire a un lointain écho :
Les faces émaciées peintes par El Greco,
De José Ribera, sans que cela me barbe,
Le Songe de Jacob et une Femme à Barbe,
De Murillo, la Sainte Famille à l’Oiseau
Et le Rêve Enchanté du Patricien, si beau
Qu’il fallut l’expliquer au pontife Libère.
Mais déjà, Vélasquez se pressait pour me plaire
Avec la trogne en feu de ses joyeux Buveurs,
Ses Forges de Vulcain où quelques marteleurs
Semblent abasourdis, et bien sûr les Ménines,
Présentant un panel de truculentes mines.
Les tableaux défilaient, rivalisant d’éclats
Comme un étourdissant foisonnement de plats.
Je goûtais, de Maino, l’Adoration des Mages
Et celle des Bergers, richissimes images,
De Zurbaran, l’Agneau de Dieu tout ficelé
Et le Supplice de Jérôme flagellé ;
A Madrazo, toujours, la charmante Comtesse
De Vilches devra son éternelle jeunesse.
Voici que maintenant, les maîtres hollandais
Entraient en scène avec ce Salomon de Bray
Dont la Judith montrant la tête d’Holopherne
A l’air de rayonner d’une lumière interne.
De Jordaens, sur mon cœur, ont beaucoup fait florès
La Famille du Peintre et l’Offrande à Cérès ;
Teniers m’a épaté avec la Galerie
Où l’Archiduc expose et, ses murs, historie ;
J’ai aimé, de Brueghel de Velours, les Cinq Sens
Et les fesses charnues qu’affectionnait Rubens ;
De Rembrandt à Van Dyck, d’autres flamands célèbres
Montrent ici qu’ils ont combattu les ténèbres.
Mais trouvant sur mes pas la pulpeuse Maya,
Je pénétrais enfin l’univers de Goya,
Le charme et la fraîcheur de ce génie précoce
- Les saisons, le Pantin, le Parasol, la Noce -
Des thèmes campagnards et des portraits royaux
Et les impressionnants Dos y Tres de Mayo.
C’était décidemment bien trop de nourriture
Pour mon frêle estomac, proche de la rupture.
Au moment d’aborder, bedonnant et lippu,
Le plateau des desserts, j’étais déjà repu.
Impossible, malgré les meilleurs artifices
De faire honneur à Bosch au Jardin des Délices,
Raphaël et Dürer avaient beau me tenter,
Je ne pouvais, hélas, plus rien ingurgiter,