Le marché
Lorsque l’envie d’écrire un poème me prend,
Lorsque le feu sacré, lentement se ranime,
Que sur ses braises passe un souffle pénétrant,
Que brille dans le noir son rougeoiement infime,
J’ai toujours comme outil un modeste cahier
Et, pour échafauder la nouvelle recette,
Avec ce récipient en guise de panier,
Sur le marché des mots, je m’en vais aux emplettes.
Dans les livres, alors, on me voit étudiant,
Fouiller et talmuder comme une ménagère
Qui choisit avec soin les meilleurs ingrédients
Que les étals fournis, au hasard, lui suggèrent.
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Si je prends pour sujet les minéraux précieux,
Il faudra que mes vers soient constellés de gemmes,
De spinelle maclée, d’aigue-marine bleue,
D’améthyste violette et du lapis que j’aime;
Je jetterai l’éclat sur le jaspe chiné,
L’hyacinthe orangée ou jaune ou rouge ou brune,
Sur l’opale irisée, l’agate rubanée
Et de leur nom brillant bâtirai ma fortune.
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Si je veux célébrer le monde des parfums,
Je ferai s’exhaler en un bouquet floral
Rose, jasmin ou lis et souscrirai l’emprunt
D’une note boisée de cèdre ou de santal;
On y distinguera l’opulent patchouli,
Le fin ylang-ylang, les gommeuses résines
De l’Arabie pétrée, l’huile de néroli
Et l’odeur vanillée propre à la coumarine.
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Si ma corde sensible, au son des instruments
De musique gémit, je laisserai entendre
La cithare pincée qui s’égrène gaiement,
Le santouri aimé de Zorba, la simandre,
Les tambours africains et l’andine quena,
Le carillon qui fuit au vent, la clarinette
Que Mozart honora, la frêle ocarina
Et les crépitements rythmés des castagnettes...
