Sur la banquette usée d’un wagon de métro, Elle est assise seule et paraît un peu triste, Une mélancolie qui n’entache pas trop Sa beauté vieillissante où la grâce subsiste.
C’est une femme mure au visage poupin Sans les rides qui font un sillon pour les larmes, Elle a d’épais cheveux qu’une encre noire a peints Où quelques fils d’argent n’enlèvent rien au charme.
Elle est élégamment et chaudement vêtue Mais pas à la façon d’une bourgeoise fière, De pratiques habits amples qui perpétuent L’esprit soixante-huitard de touchante manière.
Elle a l’air d’en savoir un rayon sur la vie - Dont certains coups tordus l’ont atteinte sans doute - Mais tout en conservant plein de sève et d’envie Pour avaler encore un grand morceau de route.
Sur les hommes aussi, elle en connaît un bout, Leurs défauts, leur tendresse et leur étourderie, Elle en est revenue mais garde malgré tout, Pour eux, de l’affection après la griserie.
Retranché dans un coin, je l’observe en espion, Profitant du moment où nos chemins convergent, J’essaie de la cerner lorsque, sans cohésion, Un fou rire incongru brusquement la submerge.
La voilà secouée de spasmes inégaux, Ne pouvant retenir un flot lacrymal qui Donne dans cette nuit à ses yeux indigo Le pétillant éclat du soleil sous la pluie.
Belle inconnue, quoi donc a ainsi déclenché Dans ta tête ce bel accès d’effervescence ? Un souvenir cocasse, un délire caché, Remonté sans avis à fleur de ta conscience ?
La mimique ingénue d’un présent usager ? Ou le trait de génie qui achève la somme Du plan machiavélique où tu vas te venger Des vils agissements de quelque affreux bonhomme ?
