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Renaud BOSC

Fleurs de rhétorique

Si notre vieux français est, par autant d’esprits,
Respecté dans le monde et jugée pléthorique
La liste des chefs d’œuvre en cette langue écrits,
C’est au grec que l’on doit les fleurs de rhétorique.

Assis à son bureau, le plus modeste auteur,
Quand il veut s’essayer aux figures de style,
Doit beaucoup emprunter à l’antique orateur
Qui tenait son discours devant un péristyle.

Moi, plume d’écrivain, je me permets d’user
D’une prosopopée à la parole encline
Pour relater combien j’aime à voir s’exposer
Les termes sibyllins de cette discipline.

Les mots, les mots, les mots s’écoulent de mon bec
Dans une épanalepse et inondent la feuille,
Source pleine aujourd’hui, demain peut-être à sec,
Un chiasme improvisé qu’en ces strophes j’accueille.

Je vais et viens et vole et trace et m’investis
Et au passage énonce une polysyndète,
Fidèle à mon destin, destin de noble outil
Pour que l’anadiplose ait aussi la vedette.

Toutes d’encre humectées en un rictus offert,
Mes lèvres de métal désignées catachrèse
Sont, du raisonnement qui suggère, le fer,
Anacoluthe dont j’accrédite la thèse.

Ma salive versée en un filet nouveau,
Fluide noir qui éclaire avec un oxymore,
De son filin de soie évide l’écheveau
Comme l’araignée qui file la métaphore.

Le travail d’écriture est œuvre de hussard,
Je goûte à l’occasion ce genre d’apophtegme
Lorsque je m’initie à jouer les Ronsard
Et que la synecdoque est lâchée avec flegme.

Des esthètes de l’art… est un kakemphaton,
Assemblage de sons qui fourvoie ou étonne ;
En commettre au hasard, par un adynaton,
Me donne l’impression de peser une tonne.

Il me rendra marteau, le marteau du graveur,
J’illustre, ce-disant, ce qu’est l’antanaclase,
Moi le calame dur qu’à l’âme du rêveur
Il plait d’utiliser pour la paranomase.

Je ne cracherais pas sur un vers bien léché
Afin de révéler mon sens de la litote,
Montrant que le poète, au beau, est attaché
Et la métonymie article de ma hotte.

Comme un soc affûté, on me voit retourner
La page besogneuse en semant l’hypallage,
Sillonnant, travaillant, et de me démener
Afin de justifier l’emploi de l’énallage.

Pleine d’inspiration et d’étoiles, la nuit
Me souffle d’ajouter le zeugme à ma grammaire
Et pour mieux déjouer les pièges de l’ennui
Qui froissent le lecteur, l’ellipse à ce sommaire.

Apocope, hyperbole, aphérèse et consorts
Fleurissent eux aussi derrière mon sillage
Et tendent mon propos de sensibles ressorts
Qui le fond rebondir au fil de son maillage.