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Pierre HESBERT

JE VEUX ETRE UN ARBRE 29 11 2004

Certains soirs je veux être arbre.
Je sais que sa vie est comptée.
On lui fixe tant d’années pour maturer.
Puis on le coupe, le brûle ou le sabre.
Mais, c’est bien aléatoire
Une vie d’homme qui ne sait
Ni le jour, ni l’heure, ni la minute
D’une disparition qu’on regretterait.
L’arbre, lui, sait qu’il en a pour quinze ans
S’il est peuplier, et s’il est chêne, pour cent.
Je veux être transformé en chêne.
A défaut, j’accepterais d’être un hêtre,
Pour me souvenir de ma brève existence.
Je suis un chêne, j’ai déjà dépassé le siècle.
On a dû réellement oublier de m’abattre.
Je suis seul et solitaire de mon espèce,
Au bord d’un chemin, au bord de ce champ
Où poussent des sarments de vignes torturés,
Où des vignerons viennent de temps à autre,
Comme cochons pour la glandée,
Fouillant du bout du groin gourmand.
J’ai le dos large, le tronc puissant,
Des pattes de lion et les bras noueux
Vigoureux du lutteur de foire.
Je suis, à mon âge, doté d’une chevelure
Fournie comme celle de la femme du Franc.
J’abrite tout ce qui veut vivre:
Les écureuils qui gambadent,
Les vendangeurs qui somnolent,
Les sangliers qui glandent,
Les fourmis qui cavalent,
Les oiseaux qui nichent,
Les vents qui s’infiltrent,
Le soleil qui cherche le frais,
Les cèpes qui, une nuit, grandissent,
Les enfants qui se cachent,
Les poètes que j’émeus,
Les bûcherons pénitents,
Les amants qui gravent,
Gravement les promesses d’une nuit.
Je suis arbre pour tous les temps,
Passé, présent et à venir.
Le mieux qui peut m’arriver,
Serait un coup de foudre
Pour une vierge qui reposerait en moi.
Elle baptiserait « chapelle » un pauvre creux.
On songerait : « Marie a fui le loup ! »
Et le chêne que je suis
L’hébergerait comme enfant.
Il y aurait une vieille plaque de charme.
L’inscription n’en serait plus très lisible,
Gravée par je ne sais quelle main.
Je suis un esseulé fréquenté.
Je ne compte pas sur une descendance.
Pourtant je plais , et j’écoute
Les récits de voyage du passant,
Les sons colportés par le vent.
Je respire tout, et je donne en échange,
Un peu de pureté au monde qui se meurt.