Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Pellegrino SORICELLI

La cour des grands.

Les trottoirs luisaient d’or,
Le sommeil l’étourdissait encore,
Mais c’était le jour du grand sort,
Celui où l’on devient grand,
Où l’on accélère le temps,
Pour faire plaisir aux parents.

Les trembles, en une haie d’honneur,
Lui donnaient chaud au coeur,
Les peupliers déjà se dénudaient,
Et une douce odeur de feuilles se libérait,
L’enivrant sur ce chemin,
Empli de bambins,
Tenus bien en mains.

Enfin, elle se tenait là,
Le dévorant déjà,
De ses yeux de verre.
Ses mâchoires de fer,
Allaient s’ouvrir sur un enfer,
Le début d’un calvaire,
Pour ce petit être de chair,
Petite pelote de nerfs,
Agrippée à sa mère.

Soudain ,le signal maudit :
Un clocheton retentit,
Et la grille s’ouvrit,
Filtrant entre ses dents,
Petits et grands, s’engouffrant,
Entre les fanons inquiétants,
D’un cétacé longtemps dormant,
En diète depuis des mois,
Se livrant maintenant,
à chair de roi.

L’enfant aux yeux cockers,
Cherchant en sa mère,
Cette hésitation, ce regret,
Qui devait le ramener,
Au doux foyer,
Où l’attendaient ses jouets,
Trop vite délaissés,
Se résigna enfin au sacrifice:
Il fallait qu’elle soit fière de son fils.

Alors, sans trémolos dans la voix,
Sans sanglots, sans émois,
Il fit un pas résolument,
Dans la cour des grands.

Au coin de la rue,
Des larmes contenues,
S’échappèrent enfin:
Remis entre d’autres mains,
Elle avait confié son bambin,
à une autre destin,
Sur un autre chemin.