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Nicolas BOULENGER

Quand le silence dort

On dit des gens, lorsqu’ils sont bêtes
« Ces gens n’ont rien à dire »,
Ou parfois même pire :
On dit qu’ils n’ont rien dans la tête.

Pour ma part, je reste persuadé du contraire,
La sagesse n’est pas une matière
Dont l’absence produit un vide :
La bêtise est pour le moins tout aussi solide.

Pour se persuader de la chose
Il suffit d’écouter
Les imbécillités
Dites pas les sots quand ils causent.

Afin que cet exposé ne soit pas trop long,
Mettons que nous appellerons ces gens « des cons ».

C’est un peu générique,
Mais pour vous persuader de mon affaire,
Je n’ai pas trouvé dans le dictionnaire
De terme plus pratique ;
De plus, c’est un mot qui s’entend partout,
Autant dans les bars qu’à l’église,
Souffrez donc que je l’utilise
Sans en abuser : nous sommes entre nous.

Les cons, donc, n’ont pas de monologue intérieur,
C’est là leur premier trait de caractère ;
Ils ne peuvent se passer d’un interlocuteur :
Quand on peut s’exprimer, pourquoi se taire ?

Qu’en eux la moindre idée naisse,
Il faut que tout de suite ils la partagent.
Fûtes-vous d’aventure dans les parages
Et c’est à vous qu’ils s’adressent.

Aucun sujet n’est à l’abris.
Rien n’est sacré, rien n’est tabou.
Lorsque la machine est partie,
Ils ont une opinion sur tout.

Art, Histoire, médecine, sciences économiques,
Pour chaque domaine ils prévoient une catastrophe.
Parlez leur politique, ils deviennent philosophes
Et en discourent comme Platon de la République.

Loin d’avoir comme on dit la tête vide,
Les cons ont l’esprit plein de trucs et de machins,
Qu’ils expriment par des propos insipides
Au premier venu qui ne leur demandait rien.

C’est leur seule fortune, ils y passent leur temps.
Quand le silence dort la parole est d’argent.

Un tel procès peut sembler un peu dur,
Il n’y a pas lieu de vous inquiéter.
Quand on parle des cons je vous assure
Que personne ne se sent concerné.