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Michel VALAT

LA TRANCHEE

LA TRANCHEE




La pluie, l’immonde pluie perce nos bourgerons,
Des orages de terre, funèbres météores,
Paillètent nos capotes, criblent nos pantalons
De mille éclats de boue, émissaires de mort.

Je cueille une violette et sa lèvre taquine.
Un chaud rayon de mai tavèle son visage,
Elle ouvre un œil dormant et me sourit, câline,
Ma main s’égare un peu aux plis de son corsage.

Le fracas des obus nous laissent hébétés,
Quand les fragments d’acier dilacèrent nos chairs
Éclaboussant de sang nos gangues faisandées,
Pauvres gueux éplorés, ordinaire des vers.

La table du dimanche, dressée sous les lauriers,
S’est couverte de vin et de ragoût fumant.
La moisson finissait, les rires carnassiers
Blêmissaient, peu à peu, emportés par le vent.

Je me suis affalé dans l’infecte diarrhée,
Pour échapper au feu, aux tirs, à la mitraille.
Ma mère est près de moi, le sourire figé,
Mon frère agonisant, agrippe ses entrailles.

Le soleil est glacial. Les ombres du passé
Se sont émiettées dans les eaux de la Somme,
Fantômes de mon cœur, démence de damné,
Comment leur échapper, moi qui ne suis plus homme ?