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Mebrouk IOUDJAOUDENE

L’éden du poète

J’aime scruter le cours onduleux de la rivière
Lorsque, en mon ermitage, le soir descend
Imbiber la montagne et inonder les clairières,
Où périt souvent le penser de l’être réticent.

Des bruissements des eaux, imitant les bédières,
Je m’enivre sur les rivages, lieux de la béatitude,
Tel un pâtre se pâme de la mélodie des bélières
Résonnant du lointain sur la terre des solitudes.

C’est au fond des ténèbres où s’évertue mon désir
Qu’un vain soupir vient ébranler mon triste falot ;
Et arpentant les vallons de sa bise qui fait transir
Il suit mon âme sur le courant de la rivière en flots.

Toute la nuit le ciel pleure tandis que moi tel un sage
Méditant sur mon édredon, consolant mon falot pâlot,
Je touille mon encre de ma plume et récite mon voyage
Tout en excitant le fanal qui fièrement vacille son halo.

L’onde nocturne ignore le vœu de mon pauvre cœur
Et s’en va loin, effleurant les roseaux, quérir la rosée
Qui, à l’aube d’albâtre, réveille les fleurs en douceur
Répandant leurs effluves comme d’un jardin arrosé.

L’aurore, épiant le monde derrière l’ombre épaisse,
Voit à peine sur terre arriver son spectacle attrayant ;
Jalouse de la nuit qui ose prolonger ainsi sa caresse
Elle lutte en vain contre la nuée pour un radieux rayon.

Les ténèbres doucement, balayées par le petit matin,
S’éclipsent à regret dans un épouvantable tourbillon
Et le falot encore d’un soupir mais cette fois s’éteint
Labourant sur mon front encore de nouveaux sillons.

•••

Pleure Ô cœur ! Ce matin s’éteint la flamme de ma vie
Longtemps déjà brûlait pour toi de son feu prodigieux.
Elle s’en va ; te quitte, ainsi suspendu à mes vaines envies,
Avant d’atteindre apparemment ton rêve prestigieux.

Combien me distrayait-elle lorsque le souffle du soir
Par ses vagues flottantes, encombrant la voûte céleste,
Entraînait l’inquiétude autour de mon triste manoir,
Mon ermitage solitaire ou bien mon asile agreste !

Flammèche singulière ! Candélabre d’un autre monde
Qui retire à mon regard expirant sa mystique lumière
Et qui me délaisse à mon sort qui de ténèbres t’inonde
Ô pauvre cœur ! Mon œil larmoie comme une rivière.

À mes tristes journées, aussi noires qu’elles sont ardues
S’ajoute une peine qui drapera le restant de mes jours
D’une ombre cruelle qui évoquera ma lumière perdue
Lorsque je m’achoppe à des écueils. Déveine de toujours !

Cette peine de ma vie croîtra amèrement au fil des jours
Et je crains n’en pouvoir, dans l’opacité de ma ruelle,
Repérer les bornes pour éviter un voyage sans retour
Vers la débauche ; une aberration en ce monde cruel.

Hormis la tristesse perdure lorsqu’en moi se démène
Le diable de la solitude qui me rappelle son absence,
Cet envol en trombe qui me fait dépérir. Énergumène
Sans espoir, ainsi je gesticule de rage en tous les sens.

Déjà dans tout mon corps malingre un frisson troublant
Commence à sillonner douloureusement mes entrailles
Me présentant ma passion en des souvenirs accablants
Oh ! que je ne puis fuir ces sentiments qui me tiraillent.

Que ces tribulations auxquelles mon âme est soumise
Cesseront d’envahir mon chemin précocement cahoteux !
Et que mon affliction soit l’amie, absolvant mes sottises,
Qui m’enseignera le génie d’un poète fâché et souffreteux !

Douleur ! Évoque-moi les balades nocturnes du poète !
Le solitaire qui embellit la nuit de son chant mystérieux
Qui charme les ténèbres et attire les ouïes telle une boette
Jetée confusément, en mer, par un pêcheur laborieux.

C’est de sa peine que viennent ces mélopées ; ces thrènes
Qui remplissent en ces heures ébène son voyage incertain
Lorsque voguant seul les océans où le chant des sirènes
Résonne et retentit, allant rejoindre les rivages lointains.

Que l’on retienne, ici-bas, sa romance remplie de sagesse !
Disant souvent que vaut sa peine sans ses vers, sa destinée
Sans son encre et sa vie sans sa poésie… Ah ! sa maîtresse
Qui divulgue ses pensées et qui console son cœur chagriné.

Ainsi qu’un oiseau de passage, soit de rameau en rameau
Soit piégé par l’homme et claquemuré dans une volière,
Le poète chantonne toujours à travers les tristes hameaux
Où, hélas ! personne n’appréhende le ramage des roselières.

•••

Ah ! celui qui veut savoir pourquoi je suis triste
Ayant emporté ma peine sur la contrée des ermites
Veut enfoncer le couteau dans la plaie déjà béante
Et veut remuer les flots fétides d’une mer démente.

Ah ! celui qui veut encore troubler une âme désolée,
Qui a pu ainsi des rangs des humains être isolée
Ayant enduré mille et une imputations mensongères,
Veut l’ensevelir odieusement dans une brute congère.

Laisse donc, toi Humain, cette bonace de ma vie
Où le mal, à l’égal d’un valétudinaire en survie,
Me fait la trêve et dispense mon âme de ce poison,
De cette fumée qui m’embrouillait les horizons !

Ah ! la solitude, la calomnie et la démence irritée
Toutes s’attaquent sans pitié à mon âme agitée
Je sens ma peine qui ne se console pas des larmes
Et je sens cette âme excédée se languir du vacarme.

Le temps s’écoule vite devant mes pleurards yeux
Sentant croître en mon âme les troubles ennuyeux
D’un désespoir qui entrebâille les portes de l’enfer
D’où jaillit l’odeur de la torpeur tel un somnifère.

J’écoute un soupir ; l’onde de la nuit qui s’approche,
Pareille au retentissement mélancolique des cloches,
Provoque soudainement mes pensées lugubres
D’un bourdonnement vague des ailes des ténèbres.

•••

Oh ! ce soir, je vais chanter tous mes airs confus
De ma voie parsemée d’arias et de sentiments diffus.
Je vais ressusciter aussi la voix à ma harpe muette
Pour égayer ce vallon sombre rasé par une tempête.

Le son agréable de mon vieil instrument qui halète
Retentit sur les flancs éminents des ardentes crêtes.
Et lorsqu’il parcourt les collines opulentes et fières
Mes soupirs s’allient à l’onde qui caresse la rivière.

Déjà un zéphyr heureux arrive ; ma vie désormais
Se ranime sous le rayon d’ombre de mon âme, mais
Elle m’attend la nuit qui a vu verdir plus d’un visage
De peur de renverser le vase sacré, le cartel de l’âge.

Oh ! ce soir, je vais être ce poète qui peint l’enfer ;
Et de mon encre satanique qui coule en mes artères,
Et de mon sang démoniaque qu’entraîne ma plume
Je vais traduire en vers sublimes ce feu qui s’allume.

Viens plutôt apaiser les flammes dont je m’embrase
Au lieu d’attiser froidement ce besoin qui m’écrase !
Je sais que c’est plus fort que toi tous ces caprices ;
Ô toi l’amie, ma chère confidente, ma consolatrice !

Viens ! Supplions ensemble le torrent de tes pleurs
Pour qu’il arrose entre mes mains la harpe en chaleur !
Ne crains-tu pas qu’elle prenne feu sous mes doigts
Qui sataniquement tisonnent ces cordes d’autrefois ?

Pleure Ô pauvre plume ! ton poème réconfortant
Tandis que moi et ma harpe tarie figeons le temps.
Souviens-toi ! en tes larmes, il est un soulagement
D’où je puise un repos pour mes désirs déments.

Ma harpe avivée rend un dernier soupir et se tait ;
La nuit chargée de nuées jalouses – suaves voluptés –
Arrive pour m’escorter sur une allée sans flambeau
Et baisse mes paupières pour me conduire au tombeau.

Ainsi surprend le soir douteux mes délires sacrés
Et berce mon âme comme l’onde ravit un lac nacré.
Et, pensif sur les sentiers montueux de ma destinée,
Je combine en des poèmes toutes ces idées butinées.

"Folie, parle-moi du lointain ! Moi d’ici je t’entends"
Dit la raison qui gouverne ma plume d’un égrotant.

* Poème extrait de mon livre "Hélas !" (https://www.edilivre.com/helas-meb-rock.html/)