Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

MBIN Gustave

Les Bateaux du Lac !

12 août 1989 Yaoundé RC



Écoutez, chers messieurs !
Au moment où devient très important,
Le problème de bateaux, je suis un enfant.

Bien fiers devriez-vous être, et encore,
Courageux aussi et parler moins fort.

Pas comme des guerriers !
A aucune personne vous ne tenez tort !
Soit, constatez qu’il n’y a plus rien au port
On ne peut plus s’acheter une bougie,
Nos âmes d’ici font appel aux gris-gris.

Hé ! Image des dieux !
Elle est bénite, votre Royale Grandeur !
Et pourtant n’empêche, il y a la terreur
Sur la face de vos guerriers malheureux.

Il n’a plus qu’un pied !
Hier il courait les champs de bataille,
Bien armé pour un travail sans faille,
Il est mendiant. C’est pour vous ses amours,
Pour son pays qu’il luttait nuit et jour.

Il n’a encore rien reçu du Lac !
Pourtant il lui a été toujours dit,
Que tous les bateaux qui viennent ici,
Ont toujours apporté riz et bière.
Vieux soldat, il vit dans la misère.

C’est pas drôle, chers messieurs !
D’obsession ce lac nous a gagnés
Moi prophète ! Vous y avez parié !
Que sur vous j’ai deviné juste,
Que vous attristent l’angoisse et la Dette !

Et vous n’êtes pas de grands guerriers !
Vous n’avez pas d’arc, ni de grands chevaux
A qui vendrait-on le lait de nos veaux ?
Ils vont encore frapper à nos portes
Le croque-mort et nos créanciers…honte !

Ils sont fils des dieux !
Le croque-mort est d’une nature gentille.
A son cou on a fixé un fil,
Mais il nous mène vers le feu de l’enfer.
Comme la poudre, se répand la misère.

Halte ! J’accroche mon pied !
Ai-je des sabots en plomb ou en bois ?
Pourquoi avez-vous choisi cette voie ?
J’ai une torche au front mais tout devient noir.

Parlez !

Dites-moi donc où nous allons choir ?
Encore une question, chers messieurs !
Est-ce vers nos bateaux ce lassant parcours ?
Et puis pourquoi pas « A chacun son tour » ?

Au port il n’y a plus rien pour se nourrir.
Ce capitaine n’est pas de notre pays !
Vous ne lui ferez pas une tête de guerrier,
J’avais voulu parler Diamant et Or,
Pour signifier que nous sommes encore forts,

Hélas ! Nous disons plutôt « lait de nos veaux »
Merde ! Votre silence est semblant et faux !

Au nom de tous nos dieux,
Ne voulez-vous vraiment pas d’enfant ?
Encore moins de moi, et en ce moment ?
Dites-moi, qu’y a-t-il dans ces boîtes,
Que depuis le lac je porte ?



Il avait beaucoup parlé. C’est vrai !
Un très long silence ponctua la fin de toutes ces questions. Il était inquiet et fixait le visage impénétrable des hommes avec qui il marchait. On n’entendait plus rien, seulement le bruit des bottes sur le sol caillouteux. Les hommes derrière leur cagoule avaient l’air bien grave ; le jeune homme sentait dans l’air comme une menace qui maintenant pesait sur sa personne. Il n’avait jamais rien ressentit de pareil. Son père n’avait jamais de son vivant suivi cette bande de bons pêcheurs qui avait demandé à louer ses services. Son père ne lui avait d’ailleurs jamais parlé de ces gens-là, peut-être avait-il eu peur de la réaction du maire et de quelques autres bons serviteurs de ce dernier.

On ne pouvait distinguer les visages derrières les cagoules qui étaient de différentes tailles et de et de différentes couleurs. Au milieu de cette foule qui s’avançait au pas de soldats, on remarquait une personne à la haute stature, avec une cagoule bien plus ornée que les autres et qui marchait noblement, ne portant pas de boites et faisait souvent des signes que les autres reprenaient sans jamais découdre. C’était sa Royale Grandeur, le chef du bataillon des pêcheurs. De temps en temps, il regardait quelques secondes en direction du pauvre jeune homme, et puis faisait un signe que reprenait son voisin de gauche.

On avait presque oublié le pertinemment des instants qu’avait causé le jeune homme quand soudain sa Royale Grandeur émit un paquet et ensuite bredouilla des mots dans un langage que l’enfant ne comprit pas. Un autre homme, très grand, qui était rangé dans la troisième file à partir de la gauche, juste avant celle du milieu, dans laquelle se trouvait le chef, et au même niveau, sortit des rangs en saisissant l’enfant qui ne comprit pas d’abord ce qui lui arrivait. Personne ne fit attention à ce qui se passait, peut-être même que tous trouvaient cela normal.
L’enfant fut pris d’une très grande peur maintenant que le reste du bataillon s’éloignait et que l’homme et lui étaient là, seuls sur cette route noire et caillouteuse.

L’homme :
Je retire la torche que portes au front !
Tu nous parles des dieux et jamais de Dons !
Le capitaine du bateau est plus doué que nous
Comme tu vois sel lui nous donne des sous !

L’enfant :
Vous lui vendez quoi qui l’intéresse ?
Vous me faites peur, je n’ai que peu de sagesse !
Mon père ne m’avait pas parlé de vous,
Pour moi vous êtes des requins ou des loups,
Ô fils de l’homme, amour de l’ÉTERNEL,
Regardez-moi, je prie en regardant le ciel,
Mon papa le criait tous les soirs et tout haut,
Prière ! Prière, monsieur ! Je hais le faux !

L’enfant se retourna et voulu prendre le chemin de retour, mais l’homme l’élança et le reteint. Puis il sortit une liasse de billets de banque qu’il lui tendit en lui disant que cela servirait à compenser les heures passées à porter des boîtes et des caisses au port. L’enfant refusa l’offre et glissa des mains de l’homme, puis disparu dans le noir de la nuit. Il connaissait tous les recoins du Canton. L’enfant se sentait fier d’avoir résisté à la tentation de l’argent.

Fin

12 août 1989 Yaoundé RC