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MBIN Gustave

En observant la scène … Part 1,2,3&4

16 janvier 1996 Yaoundé Cameroun

En observant la scène … Part I
Quel théâtre !
Quel spectacle !
On n ‘a pas vraiment su à quel moment tout ceci a commencé ; on ne peut pas dire avec exactitude que ce qui l’a vraiment déclenché.
On s’est rendu compte qu’on était depuis quelque temps en train d’observer une scène…

Puis il est arrivé, un autre moment, plein d’une forte émotion, de celle qui gagne ceux qu’on observe sur la scène : le maire, les conseillers municipaux, quelques figures emblématiques du Canton, toujours à la poursuite d’une signature qui fera d’elles des pêcheurs légaux du Lac, et aussi quelques invités de marque qui sont là, l’esprit un peu en marge des aspirations de ceux qui en ces jours veulent pêcher dans le Lac municipal.

C’a été un long moment de silence !
Et comme on peut être si heureux, vraiment heureux de partager ce moment-ci et avec tout ce monde !

Qui d’autre mieux que nous, pauvres spectateurs ?
Qu’allons-nous vraiment entendre de ces discours ?
Quels gestes va-t-on observer dans ces scènes ?
Quels textes vont-ils encore falsifier ?
Quelles théories vont-ils encore énoncer ?
Ils devaient se réunir dans le Théâtre du Lac !
Ils devaient reprendre Napoléon, Jeanne D’arc,
Ils devaient reprendre César ou Pompidou,
Ils devaient reprendre Leclerc ou Mitterrand,
Ils pensaient faire semblant de reprendre Platon,
De reprendre Molière, Pascal dans ses Pensées,
De reprendre beaucoup d’autres encore….
Ils trouvent ces gens très bien ; ce sont des maîtres !
On est donc venu pour suivre le spectacle !
Le silence se prolonge et est emprunt d’anxiété.
Un long moment bercé de mimiques et de pleurs,
Par nos grandes cantatrices dûment choisies.
Que veut-on vraiment nous faire comprendre ?

Qu’est-ce qu’il faut en attendre ?
Que faut-il au juste comprendre ?

En observant la scène… Part II

Tout est reparti !
On se retrouve plongé malgré soi dans une profonde réflexion, avec la tête qui s’est laissée porter dans le creux de l’index et du pouce, un peu inclinée, pour donner de la résistance aux nerfs.

Ce qu’on ne voudrait pas, c’est de se retrouver le lendemain ou le surlendemain avec collée à son dos l’étiquette d’un spectateur qui n’a rien observé du tout, pour le simple fait qu’il s’est seulement peu intéressé au spectacle ; ceci parce qu’il s’est laissé peut-être emporté dans le doux sommeil que procure le charme de ces discours de prophète du mensonge et qu’il voudrait au réveil mieux que quiconque raconter ce qu’il n’aura pas observé, mais qui lui avait été dicté avant.

Nous nous arrangeons donc pour tout observer, et puis on a de bonnes lumières.
Réellement le spectacle a commencé !
On va donc se plonger dans l’observation ;
Il y a là un plateau, une scène, et évidemment des comédiens, et bien de figurants à l’allure de vraies vedettes. Ces derniers sont des vrais fanatiques venus admirer de près leurs idoles.
On va donc se plonger dans l’observation ;

Peut-être qu’on y trouverait son compte ;

Peut-être pas, et d’ailleurs que peut-on vraiment prévoir qui n’ait déjà été prévu ?
On continue d’observer la scène ;
Ce n’est nullement un moment de perdition ou même d’oisiveté, comme tendraient à le dire ces messieurs très friands d’un certain genre de critiques à la fin des spectacles, pardon on devrait dire conférences et tables rondes.

Suivez-le regard…

C’est un moment précieux.
Bien sûr, l’on se comprend quand on sait que ce moment n’a vraiment pas été réfléchi, pensé et même qu’il n’ait été imaginé pensable…
D’ailleurs connaît-on réellement ceux qui nous offrent de pareils moments sans jamais rien réclamer en retour, et où est-ce qu’ils retrouvent le lien entre nous offrir des spectacles et retrouver leur bonheur ?

Peut-être sont-ils tout simplement des philanthropes !
On y reviendra ; ça c’est sûr !

Ce sera au moment où il faudra régler certaines questions d’ordre pratique qui vont être générées à la suite des critiques qu’on va formuler à l’issu de la présente observation…
Seulement ce moment est né et il revêt son costume de l’importance et du nécessaire, du subtile et surtout du tout sérieux précieux.
Mais qu’observe-t-on vraiment ?



Quel Théâtre !
Quel spectacle !
Ce qui rentre encore plus dans le jeu plaisant des acteurs et comédiens, c’est cette maîtrise inconditionnelle qu’a le metteur en scène de son art. Il connaît bien son métier ! Et c’est vrai.
Qui d’autre ferait autant ?

D’ailleurs on a là sous nos yeux un constat témoin. Nos chers acteurs-comédiens ne se rendent pas compte qu’en fait, ils font seulement du théâtre, ils ne l’imaginent même pas.
Et quant à nous voir là, nous qui les observons et les applaudissons, ils se disent qu’on a vraiment rien de mieux à faire que de venir passer notre temps à regarder de « Nobles citoyens » remplir dignement leur devoir et ensuite aller voter pour eux…

Comment leur faire savoir qu’on est vraiment pas des « regardeurs », mais seulement une catégorie de spectateurs, et qu’une fois le spectacle terminé, nous quitterons nos bancs pour nous jeter chacun sur du papier pour essayer de « pondre » un article critique de toute l’histoire des spectacles comparée en ce jour à celui qu’on vient de vivre.

Comment leur faire comprendre qu’à plusieurs miles de là, très loin du Lac, on a imaginé et écrit un scénario, qui maintenant a trouvé le meilleur en scène qui soit, et que, eux, parce que dignes fils des abords du Lac, ils ont été choisies avec beaucoup de « précision et de minutie » pour « interpréter chacun un personnage du scénario ».

Le plus dur serait d’arriver à leur faire comprendre qu’ils ne sont que des acteurs-comédiens ; et que c’est ainsi qu’ils se passent pour de vrais citoyens , de bons nationalistes, de bons…,



En Observant la scène Part III (suite)

Bien,
On les observe, eux qui observent le ton pour que finalement le discours qu’ils tiennent semble vrai, convainquant, persuasif…

Ils ne le savent peut-être pas, mais c’est de leur metteur en scène qu’ils ont appris de part le sermon qu’ « il faut toujours avoir une bonne séance de répétition avant toute entrée sur la scène, qu’il faut à chaque fois y mettre de la voix, dans toute sa puissance pour que toute cette légende que l’on a imaginée et décrite sur le papier que l’on tient s’entende comme quelque chose de vrai et de vivant, de vivifiant et que cela donne de l’émotion, et finalement éveille chez les spectateurs des sentiments profonds : Il faut arriver à faire que tous les braves gens du Canton s’accrochent à la lueur d’espoir qui finalement transparaît dans nos discours, typiquement artistiques soient-ils ! »

Un autre observateur dit un jour que « les mots sont immobiles, morts lorsqu’on les rencontre dans le dictionnaire qu’on feuillette, mais, qu’une fois rangés dans une phrase, ils donnent de l’émotion. L’impression de l’intimité profonde perçue dans l’expression « je t’aime » a tôt fait de vous faire voir le monde sous des aspects bien cachés. Mais alors, que ne disent–ils pas lorsqu’ils veulent que l’on entende ces choses d’une certaine façon, sous un certain angle… »

Observons encore la scène !

Ce sont là de vrais comédiens !
Oui !, C’est à dire des personnes qui ont à faire du théâtre toute leur vie et marrant encore, qui ne sauront jamais tout au long de cette brave vie qui va porter haut et au chaud leur adrénaline qu’ils ne sont que des comédiens, des vrais même, ceux qu’on voudrait toujours aller voir sur les plateaux montés dans la grande salle du palais en verre du P.C., ce joli bijou du canton.
Seulement ici, on peut s’attarder un peu à l’aspect beauté de cette salle !
C’est vrai qu’on à rêvé parfois d’un centre culturel du Canton qui donnerait vraiment des envies de se taper une bonne pléthore de rendez-vous « amoureux » dans ce lieu. Ce qu’on a au bout du compte c’est que de bons citoyens amoureux pourraient finir par tomber comme par habitude amoureux du théâtre…

Un autre nous a affirmé que : « Toute sélection, aussi fauchée soit-elle, croyons-le, comportera toujours l’un des meilleurs du moment ».
Il y a des exceptions qu’on observe et c’est ça aussi qui confirme la tendance vers…

On observe !
On est donc un observateur, d’ailleurs ces acteurs-comédiens pensent qu’on ne peut rien d’autre !

On se refuse d’être seulement un simple spectateur !
Pour tous ceux qui pensent un peu, on voudrait qu’ici ce soit clair qu’il y a un problème de sémantique.

On observe donc ; d’ailleurs ces acteurs-comédiens pensent qu’on ne peut rien d’autre !
On croît facilement, aisément qu’il n’est pas donné à n’importe qui d’être là parmi ces gens pour observer. Spectateur aussi, dans la plupart des cas on veut plutôt s’en aller remplacer ces chers comédiens sur la scène.

Finalement on se rend compte que certains spectateurs n’ont pour grand rêve que de devenir comédien.

C’est tout dire !

« Il y a spectateur et spectateur ! », crie ce vieux retraité aux cheveux noircis à la « chaux » et qui n’ose pas encore utiliser une canne pourtant il devrait s’en servir, seulement il refuse d’accepter que l’âge vrai n’a pas besoin d’un certificat d’état civil pour se faire valeur.
On a ce crétin de vieux retraité assis là, devant nous, sur l’un de ces sièges qu’on a réservés aux invités de marque, des « VIPs », pour le grand spectacle au Palais des Concerts (P.C.).

Il est tout heureux et quiet.
Le fait qu’il sache, lui, qu’il assiste là seulement à un spectacle nous a beaucoup réconforté. Il sait aussi que de pareils spectacles se montent régulièrement ici et un peu partout, dans d’autres cantons étrangers. Bien sûr, il n’a pas osé nous le dire, ni aux clients de cette salle, ni à ceux là même qui lui offrent ces moments, les derniers…

Des moments heureux accompagnés de quelques larmes d’émotion qui vont évidemment rentrer dans son testament, et pas dans les mémoires de sa vie, pire ni même dans les consciences des acteurs-comédiens présents ce jour sur le plateau.

Nos Comédiens ne se gênent pas pour lui démontrer que son temps est passé et qu’il blesse ainsi leur grand orgueil.

On ne cherchera pas dans son discours et ses analyses une explication à cette attitude de comédiens. C’est même normal, encore plus en ce moment où ils offrent un spectacle.



En Observant la Scène Part IV
(suite et fin)



Ils sont timides malgré eux et se sentent perdus devant les regards hagards et interrogateurs de ces spectateurs nouvellement nés qui sans le vouloir sont bien obligés de préférer les spectacles de Rock; de raga ou de Rap à ces cacophonies qui portent les insignes « Etats Généraux » et autres…

On s’inquiète ;
On voudrait savoir quelles pensées les comédiens de la scène portent à ce vieux retraité…
Ce ne sont en tous les cas pas de pensées catholiques.
On est même presque sûr qu’ils sont tous fâchés et qu’ils viendraient lui demander :
Le nom de la pièce qu’ils jouent ce soir ;
Le nom de l’auteur,
La date de parution de la première édition,
Le thème central développé en ce jour,
Le nom du metteur en scène,
Le nom du scénariste,
Leurs noms et pseudonymes des comédiens,
La date de leur dernière représentation,
Et beaucoup d’autres questions encore…
Pauvre vieux retraité !
Mais aussi pauvres nouveaux comédiens !
On peut ainsi aisément les plaindre,

Tous ensemble, on sait que ce sont des comédiens et même, on a l’intime honneur d’avoir une juste idée de qui est sûrement leur metteur en scène,

Et la pièce on le sait aussi …
C’est une idée originale de Mme société, épouse du Temps et ex-épouse de l’Espace. Une idée au rythme de l’ère coloniale qui jamais ne nous quittera.

Une tache presque indélébile qui parfume nos projets…
Rien d’autre ne nous gênera une fois le spectacle terminé, Critiques-artistiques tels qu’on a l’audace de se prévaloir, on se penchera sur des « feuilles de chou » pour tracer quelques lignes qui mettent à nu notre sens critique.
L’un des observateurs, un cantonnier de la dernière heure du nom de Black, très agité sur des questions de moeurs près du lac, n’a pas très bien entendu ce qu’a dit ce vieux retraité qui ne cesse de tousser et de pousser sa poudre de tabac dans les profondeurs de ses narines.
Néanmoins, Black s’est mis à rire quand le vieux a voulu soutenir son regard qui quémandait l’information mal enregistrée. Il continuait donc à soutenir le regard plein de rides du vieillard tout en lui adressant un large sourire de bon quémandeur du Tiers-monde ;
Hélas, ça n’a pas été un concert de plus ici au P.C., du moins tel que l’espéraient ces cantonniers indolents, épris des moments de « Kongossa ».

Le jeune Black a fini par se tourner vers le confrère-observateur de gauche et lui a demandé à peu près ceci : « Au fait, qu’a dit au juste le vieux déjà aveugle-là ? »

Et puis il a ponctué la fin par un rire haineux.

Ce qu’il ne savait pas, pauvre Black, c’est que le vieil -aveugle avait cessé justement de scruter l’espace de la salle et n’admirait plus le jeu des comédiens ; par contre, il avait aiguisé son ouïe pour lui donner de grandes performances. Le vieux était ainsi toute ouïe à ce qui se disait autour de lui.

C’est ainsi qu’il entendit la question du pauvre Black.
Il se retourna brusquement et jeta un regard meurtri au jeune cantonnier.
Mais, il fut soudain secoué par une douleur violente dans la poitrine et s’écroula comme cet autre comédien dans une scène de Molière.

On éclata tous de rire dans la grande salle et passa à l’entracte…
Tous avaient le regard vers le siège du vieux retraité.
Le metteur en scène quitta les couloirs et vint vers lui, tâta son pouls, puis annonça la mauvaise nouvelle.
Le vieux retraité venait ainsi de s’éteindre, ici dans la salle du P.C…
Illustre invité,

Il n’avait pas voulu se rendre à l’évidence…
Avec raison peut-être, parce que la vie d’un comédien est très compliquée surtout quand la veille on a aussi été enlacé par la lueur des feux de la scène, sans le savoir bien sûr et qu’on pense avoir bien rempli son devoir de membre de la municipalité …

Tout comme ce vieux retraité, on ne se pose pas de question ; on sait « sagement » que si on a été invité à être présent là, en ce jour, c’est parce que « les vieux ont beaucoup d’expériences et ont toujours des choses à enseigner aux plus jeunes ».
Est-ce la motivation de notre beau metteur en scène ?

Oui, qu’il est beau, Ce metteur en scène !
En voilà un qui peut tout se permettre, du moment qu’il est guidé par l’ambition de voir son spectacle primé au grand « Festival Mondial des Arts Sociologiques et Politiques Expérimentés dans le Tiers Monde ».

De ce fait il peut bien avoir invité le vieux retraité pour permettre un peu plus d’adrénaline dans les veines de ses acteurs.
L’illustration de cette hypothèse se justifie par le fait que le vieux bien que croulant n’a pas pu se passer de toutes ses médailles qui pendent à son costume d’ancien, rappelant à qui l’aurait oublié, toutes les distinctions qui lui ont été attribuées après de « Nobles et loyaux services rendus au Canton et au Lac municipal… ».

Mais saurait-il jamais vraiment pourquoi il a été invité ?
Au cours de sa longue vie de « Pasteur des brebis du Canton » comme il aimerait à le dire, vous conviendrez aussi que lui non plus ne pouvait savoir qu’il était comédien et qu’il jouait un rôle ;

Mais seulement quand il a vieillit, il a constaté que presque tous ces rêves sont restés sur le banc des actions non réalisées.
C’est maintenant par la mort malheureusement, qu’il déchante.
On pensait bien qu’il finirait par avouer à la postérité, et de vive voix qu’il a vécu en marge de sa vie.

Mais non !
Ce serait ne pas connaître l’orgueil et l’égocentrisme qui caractérisent tous les comédiens, bons ou mauvais, dès lors qu’ils se retrouvent sur le pavé et qu’intervient du même coup la fin de leur carrière.
Généralement le comédien retraité se retrouve là, dans le même espace que ceux qui hier se bousculaient aux portes des salles pour pouvoir « observer le spectacle que donnait leur idole ! »,
Et c’est très poignant de ne plus voir ces mêmes gens se bousculer pour vous serrer la main au crépuscule de cette vie de vedette.
Les spectateurs d’hier observent leurs idoles d’hier et se posent des questions.

Alerte !

STOP !

Huit Novembre Mille Neuf Cent Cinquante Sept,

Il est presque onze heures…,

La grande place du marché à été envahie très tôt ce matin par des groupes de danse, des artisans, leurs butins et tous les autres villageois. On a vu passer des petites voitures de militaires européens qui transportaient à leur bord aujourd’hui des gens de couleur, des noirs, qui pourtant avaient le corps enveloppé dans les mêmes habits que les blancs… des costumes de colons.

A leur passage des « hourras » et des «houlou-loulou » se sont élevés dans les rangs de femmes pour saluer ces dignes fils qui revenaient au pays après un séjours dans de grands « Conservatoires de la comédie et du spectacle », non plutôt dans les grandes écoles européennes ou d’ailleurs ils avaient réussi avec beaucoup de mérite à obtenir tous les diplômes Universitaires dont n’ont jamais eu besoin les neuf dixièmes des jeunes colons pour faire de leurs pays ce qu’ils sont aujourd’hui ;

Vrai ou pas vrai ?
Seuls les leaders là-bas et aujourd’hui encore peuvent se permettre cela.
En ce jour du Huit Novembre Mille Neuf Cent Cinquante Sept…
Pour les populations du Canton et des abords du Lac Municipal, ces fils qui revenaient étaient dignes de respect et de beaucoup d’autres valeurs.
Car, « lorsqu’on a été chez l’autre, on ne peut y avoir appris que ce qui est bien pour la santé de son Canton ».

A bientôt.
Ça a été un plaisir de vous avoir là à observer la scène de ce spectacle que nous donnions ce soir dans cette salle, avec vous comme lecteurs, non spectateurs, ou mieux observateurs…
« Bye ! Bye ! »

16 janvier 1996 Yaoundé Cameroun