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Mauriane ALVAREZ

Délivre-nous du Mal.

Il est de sombres voix que j'entends tous les soirs,
Des voix qui furent maudites, des voix déchirées,
Lorsque la Lune étend son empire dans le noir,
Je vois l'ombre défaite d'un violon brisé.

Chaque nuit vos fantômes torturent mon âme,
Pitié délivrez-moi, Seigneur, de ce fardeau,
Et prononcez mon nom en appliquant vos lames
Sur ma gorge mise à nue par les soins du bourreau.

Quelle honte impunie, quelle grâce sublime,
Quelle parole impie de l'Ancien Testament,
Pourra donc me plonger dans les déboires du crime,
Pour qu'enfin mes plaisirs deviennent châtiments?

Toujours vos yeux me hantent dans mes songes obscures,
Déjà s'éveillent en moi quelques pensées brutales,
Elles me poussent à lutter contre tous les murmures
Qui emplissent mon coeur de pulsions animales.

Et je respire en vain ce délicat poison
Qui enchante mon être des plus purs délices,
Chacun voudrait me croire corps et âme en prison,
Et chacun voudrait voir mon sang dans un calice.

Je m’enivre des larmes qui s’écoulent sur vos joues,
Je ris, quand vient le soir, de vos émois stupides,
Je vous traque sans faiblir, comme le font les loups,
Mais, pour mon grand malheur, vos tombeaux restent vides.

Mais un jour, braves gens, soyez sûr de cela,
Sur vos mausolées gris naîtront vos initiales,
L’avènement d’un homme en secret se fera,
Et vous, tremblants, crierez : « Délivre-nous du Mal ! »

Sache qu’un Dieu condamné reste sourd aux prières,
Lorsqu’un peuple inclément, lassé de le servir,
S’est détourné du Ciel, Lui préférant l’Enfer,
Et joignit en son sein le meilleur et le pire.

Tous vos autels de marbre ne seront que bûchers,
Lorsque sonnera l’heure de l’ultime holocauste,
Je ne sentirai pas une once de pitié,
Vous me croyez le Diable, et pourtant je suis Faust.

Et j’attends sans surseoir cette idole écarlate,
Qui sera mon Salut presque autant que ma fin,
Qu’importe qu’à Ses pieds, les mortels se battent,
Aujourd’hui, Méphisto, délivre-moi du Bien.

Les yeux levés au ciel, la vertu dans le vice,
Comme un ange sans ailes, moi j’attends l’Antéchrist…