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Maryse GEVAUDAN

Fait divers

C’était une chambre habitée
Par un personnage discret.
Nul ne le vit jamais de près,
Aucun n’allait le visiter.

Il quittait rarement sa pièce
Et, sans qu’un bruit fut entendu,
On le devinait là, tendu,
dans le silence qui oppresse,

Aux aguets, peut-être, derrière
Le mur mince de la cloison
Et tout entier à ses démons
Livré par son imaginaire.

Il passait pour original,
L’esprit embrumé de fantômes.
Puis on oublia bientôt l’homme,
Jusqu’à juger assez banal,

Certaines nuits, de grands discours
Sur les plus extravagants thèmes
Qu’il devait se faire à lui-même
En se répondant tour à tour.

D’autres fois il restait muet
Pendant des semaines entières ;
Mais on connaissait ses manières,
On s’y était habitué.

Un soir il y eut comme un cri
Bref, ressemblant à s’y méprendre
à un râle –qui sut l’entendre ?
Et quand bien même, on aurait ri…

Le silence s’accumula.
Les semaines, les mois qui passent…
Avant que quelques-uns songeassent
à voir ce qui puait par là.

On ouvrit la porte fautive :
L’homme était mort depuis longtemps
Et décomposé tellement
Qu’aucun n’eut de larme furtive

Tant il était déconcertant
Que ce mort garde le secret
Sur l’incognito de ses traits
Qu’on ne connut pas plus qu’avant.

En revanche il donnait sa voix
Qui, sur toutes les étagères
Dans des bandes rectangulaires
était enregistrée cent fois

Un millier… des millions de fois…
Lorsque seul face avec lui-même
Il blasphémait des anathèmes…
- Il aura son public, ma foi.