La pendule du souvenir
En un même sablier, caracolent
Le Temps qui fut, le Temps qui s’affole,
Le Temps qui vient,
Et moi je me souviens …
Je me souviens, en regardant cette pendule en bois
Vénérable dans sa robe de chêne,
Aux lourds contrepoids suspendus à sa chaîne,
Je me souviens de toi, Mamie Léa,
De tous ces souvenirs qu’elle interpelle,
Je me souviens de toi, Pépé Daniel.
Sur cet auguste cadran,
Patiné et griffé par les ans,
Des générations ont vu s’enfuir leur vie,
Mais ici personne ne souffrait d’ennuis
Les enfants malins avaient appris à compter,
En débutant par le quatre … l’heure du goûter,
L’heure tant attendue du bol de lait
Encore tout chaud car tout juste tiré.
Elle trônait dans un coin de la cuisine,
Majestueuse,
Comme investie d’une puissance divine,
Racoleuse,
Comme possédée de l’âme d’une gourgandine.
Sa grande aiguille frémissait et hésitait
Lorsque la jeune fille de la demeure
Attendait la visite du bien-aimé
Qui faisait tant battre son cœur.
Elle prenait comme un malin plaisir
A ralentir le temps
Tandis que le temps tirait des soupirs
D’impatience aux amants.
T’en souviens-tu Josiane,
Quand tu jouais les sœurs Anne ?
Je revois encore ce balancier ivoire inexorable
Qui égrenait les moments de l’existence,
En battements rengaines inaltérables,
Souvenirs ineffaçables de mon enfance.
Souvenir du bol de soupe à l’aïeule édentée
Qui tricotait tranquillement près du poêle à bois
En attendant le moment tant espéré
Où les douze coups annonceraient enfin le repas.
Lorsque s’en va l’être cher aux sonnailles de cuivre
La tristesse saisit ceux qui n’ont pu le suivre,
Mais toujours reste en nous l’image fanée
D’une vieille pendule qui continue de sonner.
En un même sablier, caracolent
Le Temps qui fut, le Temps qui s’affole,
Le Temps qui vient,
Et moi je me souviens …
