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Martin DOWLE

Les masques d'Onésime

Dans l’arène enfumée je suis roi de splendeur,
Régnant sur une foule aux cris enthousiastes !
Sur la scène tamisée je dégage une lueur
De luxe magnifié, de noblesse et de faste !
Je sais revêtir de multiples visages,
Me travestir pour des rôles aux pôles infinis :
Blasphémateur mécréant ou vieux prêtre sage,
Cris de rage aussi bien que pleurs repenties !
Oui je suscite l’horreur, la peur et l’extase,
L’admiration, l’amour et puis la tristesse !
Oui je sais parfumer l’odeur de mes phrases,
Provoquer les haines, les peines, les ivresses !
Continuels changements ! Miracle théâtral !
Je dupe l’assemblée d’habile duplicité,
Ressuscitant ainsi, sur les planches grises et sales,
Des légendes immortelles, le temps d’une soirée.
Je suis ainsi Hamlet, César, ou Arthur !
Ressassant pour leurs âmes griefs et colères,
Regagnant leurs guerres, vengeant les parjures
De leurs femmes infidèles, faux amis et faux frères.
Ainsi je vis leurs rêves, bâtis leurs visions,
Exposant leurs vies accomplies et antiques,
Dévoilant leurs euphories, agonies et efforts,
Puis la haine qu’engendraient leurs règnes tyranniques.
Et la foule mystifiée, enivrée de mon art,
S’évade, emportée vers ces passés perdus
Où elle peut goûter à l’émotion si rare
De pleurer pour des hommes longtemps disparus.
Puis elle portera chez elle le magique souvenir
D’avoir quitté son temps dans la brume d’un soir,
D’être partie contempler, extasiée, les empires
Oubliés ! Qui pourtant sont les veines de l’histoire.
Puis l’illusion se brise ; alors je pars seul,
Gémir dans un coin retiré des coulisses.
La foule part comblée ; je reste vide et veule
Maudissant mon âme aux reflets si factices.
Et les ovations se muant en échos très confus
Résonnent, lointaines, en mon large inconscient.
Puis ma raison torturée se révolte et se rue
Et demande à mon cœur : « Qui es-tu vraiment ? »
Et mon cœur lui répond : « Comment le saurai-je ?
Je me métamorphose au gré des saisons.
Je ne t’insuffle rien, adoptant le cortège
Des pensées des penseurs qu’ensemble nous vénérons. »
Mon jeu n’est rien qu’une tirade d’artifices
Copiant des défunts la sagesse ancestrale.
Je crois être des leurs, subissant leurs supplices ;
Ce n’est rien qu’un plagiat très fade et banal !
Je suis aussi creux que le sont les éthers !
N’étant qu’usurpateur des états de grâce
De mes idoles, de ceux qui foulèrent la terre,
Gagnant de leurs actes, au Panthéon, une place !
Alors je noierai ce qui reste d’amour propre
Dans les phobies d’un esprit trop incohérent.
Je me rendrai abject, me couvrant d’opprobre,
Refusant toute estime remportée en trichant !
Puis, n’éprouvant pour la morale qu’une grande apathie,
Et m’abhorrant moi même d’une haineuse passion,
Je soignerai ces névroses et angoisses d’orgies
Me brûlant dans le feu des dépravations !