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Martin DOWLE

Le ramoneur des âges

Je partis dès l’aube pour ramoner les âges,
Errer dans la vie comme une hyène dans un désert.
« La vie est un voyage », je partis glissant sans rage
Souffler comme les vents les chemins de poussière.

Ma mère m’a renié ! j’ai oublié d’en pleurer.
Je suis ma propre mère et c’est moi seul que je suis.
Né seul dans un corps, seul donc j’ai demeuré
Avec de simples rêves en guise de compagnie.
Dans des théâtres moribonds je revêtis mille visages,
Loqueteux, parfois génie, mais toujours mystérieux,
Eclectique dans l’âme, l’air calme et souvent sage.
J’étais un pierrot mal aimé qui prétendait être heureux.
J’ai goûté, Ô tragédie ! l’amertume des douces haines
Concoctées par des femmes nourries d’outrages malsains
Passionnées, jalouses ! Que soient maudites vos haines
Malsaines !
J’ai fui toutes vos scènes priant Dieu sur les chemins.

Puis de nouveaux paysages aux horizons m’interpellaient.
Nouveaux champs à découvrir ! parfois mieux, souvent pires !
Sur chaque nouvelle route je psalmodiais « Oh Liberté
Je désire, belle maîtresse, te voir arborer d’autres
Sourires ! »
Parfois à mes côtés marchaient des étrangers.
Nous gravîmes ensemble de verdoyantes montagnes
Echangeant de belles paroles, essayant d’apprivoiser
Les inconnus que nous sommes, tous enfermés dans nos bagnes.
Parmi eux j’ai cru voir de nouvelles mères, des sœurs !
Et de leurs yeux couler des torrents d’affection
Ah icônes vivantes, déesses splendides, reines de douceur !
J’espérais qu’à jamais vous partageriez mes ascensions !
Mais les étrangères dévièrent pour emprunter de nouvelles
Voies
Sans adieu, sans larmes ! Un aigle alors me survolait,
Calme, serein, défiant de ses ailes toute loi
S’érigeait en symbole de ma bien vide liberté !

J’ai aussi croisé l’amour et il a crucifié
L’émancipation d’un cœur qui s’est à jamais tu.
J’ignorais de l’amour son âpre goût de fausseté.
Croyant boire un nectar, c’est un poison que j’ai bu.
Et de l’est à l’ouest je courais chasser la paix !
Cherchant un antidote, aux passants la mendiais,
A Dieu la suppliais d’une âme retorse et torturée,
Mais cette paix tant convoitée semblait m’être refusée.
Je la trouvai enfin ; elle dormait en mes bas fonds
Me dispersant j’oubliais de scruter mes propres reins !
Je la réhabilitai donc le temps d’une courte saison
La déposant doucement sur un divan de satin.

Et je repris ma marche ramonant doucement les âges,
Tandis qu’autour de moi la foules crièrent plus fort
« Sois grand, fuis vite, encore des pièges et des cages
T’attendent. De ta vie ce n’est que l’aurore ! »

Cergy, Mars 1998