Vos
poèmes

Poésie Française : 1 er site français de poésie

Vos<br>poemes
Offrir
ce poème

Martin DOWLE

L'ancêtre

Du ciel s’écoulaient comme d’une cuve renversée
D’opaques brumes d’épaisses vapeurs huileuses.
Sur ce fond ténébreux où les lumières s’étiolaient
Seule la lune s’affichait d’auréoles ambitieuses.
Et lançait, sainte et pure, des rayons contagieux,
Rescapés argentés, pullulant de virus,
Infectant les rochers qui m’abritaient, peureux,
Où je guettais, anxieux, l’œil de Sirius.
Un doux vent caressait les parterres de feuillages...
Les cigales bourdonnaient, hurlant tous ensemble.
Le silence s’oscillait dans ce froid paysage
Qui, lugubre, ressemblait à la crypte d’un temple.

Puis Sirius me tança :

« Voici l’heure tragique
De l’ouverture d’un caveau, d’un enclos de néant,
D’une prison éternelle aux parfums oniriques,
Ornée de défunts qui scintillent sobrement !
Et je t’ordonne mortel, je t’ordonne d’y enfouir
Un ancêtre qui t’est totalement inconnu,
Qui doit regagner cette fosse de souvenirs,
Disparaître de cette terre où jadis il vécut ! »
L’Hadès réserve parfois des surprises,
Enveloppant des âmes dans des limbes étonnants.
Il offrit à mon ancêtre la sépulture exquise
D’un purgatoire ravagé de désenchantement.
Un bois aussi mort que la lueur de ses yeux !
Où je le trouvai stoïque et l’air fier et fort,
Contemplant une ultime fois la noirceur des cieux,
Avant de rejoindre, enfin, la dépouille de son corps.

A ma vue il esquissa un sourire de tendresse
Et caressant du regard le contour de ma chair
Dit :
« Cette chair fut mienne en mes temps de noblesse !
Je l’offris, sanglotant, à la mère de tes pères.
Mais ce corps me quitta mille printemps avant
Le printemps béni qui te vit voir le jour.
J’ai survécu à ce corps, j’ai vécu en vivant
Dignement, en errant sans haine, sans amour ! »
Tu es l’accomplissement de mes rêves d infini,
Un dénouement magique à des siècles d’attente,
Récompense suprême d’une longue ère d’ennui,
Le fruit de mes espoirs, de mes espérances latentes ! »

Et j’observai, ému, poussant d’arides soupirs,
Ce troublant ancêtre, cette si belle vision,
Que Sirius m’offrait pour mieux anéantir
L’existence de ce spectre, ce semblant d’illusion !
Alors un rai d’Orion lui ouvrit le caveau.
Je le poussai, larmoyant, dans l’éternelle catacombe,
Où il plongea, tournoyant, chutant vers les eaux
De l’inexistence dans le gouffre d’une tombe.
Puis avec un réconfort supérieur à toute peine,
A mon tour je me laissai engloutir par la nuit
Sachant enfin que ma naissance, longtemps jugée vaine,
Fut désiré d’un désir plus fort même que la vie.