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Martin DOWLE

La foule

La dense foule danse ! C’est un flot disgracieux,
Qui coule sans sens vers des lieux plus harmonieux.
Chaque élément fuit, passe d’aval en amont,
D’inconnu en mystère ! Une foule n’a pas de nom.
Mais des milliers de noms, d’histoires, de secrets,
Emprisonnés dans les cœurs ; par les yeux révélés.
Quand une foule se meut, c’est l’humanité qui inspire...
Expire... Son souffle sont ses larmes et ses rires.

Mais voici glisser, quelle joie !, un homme très amoureux.
Une fleur à ses côtés lui reflète, dorée, son feu.
Ils s’engloutissent ! Ils glissent tels des cygnes très haut
Le monde qui les porte n’existe plus. Quel dédain !
Une jeune mère les suit de près, berçant son beau bébé.
Jeune mère n’existe plus que pour sa jeune postérité.
Sur ce chemin très peuplé, elle n’a d’yeux que pour l’enfant
A qui Dieu a tout donné ; sa vie, son sein, son sang.

Voici passer des yeux qui ont déjà trop vécu.
Regard aigri, défait d’yeux qui ont beaucoup trop vu.
Concentré sur les tragiques drames de ses années
Péniblement un vieillard passe, soupire et disparaît...
Derrière lui suit quelque insolent moqueur,
Qui bruyamment avait ri de son indolente lenteur.
Ignorant que lui aussi navigue très fatalement
Sur le fleuve des âges où vieillissent, même les enfants.

Puis une femme très digne mais effondrée me frôle.
Elle porte un regard noir, en deuil, tel un symbole.
J’y devine sa peine et ses blessures encore fraîches,
Sa plaie encore ouverte et ses larmes pas encore sèches.
J’aimerais tant consoler ces yeux pleins de tristesse !
Métamorphoser cette âme ! Transcender cette détresse !
Trop tard ! La foule a fui ! C’est un flot anonyme
Très long ! Très riche ! Il coule loin des eaux intimes.

La dense foule danse encore, coule puis se tarie.
Dans chacune de ses ondes vibre une portion de vie,
D’amour et de mort ! C’est un cycle infernal.
Ne plus rester statique ! Vite, plonger dans l’eau sale !
Pour devenir l’un d’eux, hanté de secrètes blessures,
De projets incertains, d’espoirs fous, de rêves futurs.
Mais, paradoxe ! C’est noyé en cette tumultueuse multitude
Que je découvre l’étendue de mes immenses solitudes.

Cergy, Avril 1998