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Martin DOWLE

La complainte d'Eloîse

J’ai choisi d’aimer un homme au cœur infidèle
Dont l’âme est à la mer, flottant sur les eaux,
Dont l’esprit saisonnier fuit comme l’hirondelle,
Laissant aux enfers une femme sans anneau.

Je me lamente sur ce port, chargé d’émotion,
Où je vis, au lever d’ancre, la blancheur de sa voile
Gagner tout doucement cet odieux horizon,
Se diluant peu à peu dans l’éclair d’une étoile.

Il me quitta ce jour pour une meilleure maîtresse
A la beauté profonde et à la gueule acérée :
La mer ! Lisse et pure... La mer ! Cette tigresse !
Au charme si étrange qu’il ne put résister.

Il promit pourtant de revenir plein d’épices,
De saphirs, d’émeraudes et de diamants aussi,
Pour combler son absence, pour panser le supplice
D’avoir, chaque jour, dû vivre pour et sans lui !

Mais que faire de promesses ! De joyaux, de richesses ?
En ces jours insipides je n’ai que le soleil !
Qui, de son zénith, couvre d’or et d’ivresse,
Cette mer bien aimée, jusqu’aux soirées vermeilles.

Et le soleil part alors éclairer à mon amour
Les chemins obscurcis que lui seul convoite,
Destinations nombreuses au parfum de vautour,
De mort et d’exil ! Paradis des pirates !

Va donc bien aimé, va embrasser le nord !
Etreins le chaud sud, intangible et vacant !
Puis envahis l’est de ton immense corps
Par l’ouest en dansant ta gigue d’errant !

Va donc contempler ! Va donc mais aimes moi !
Que mon visage réside en un coin de mémoire.
Qu’un jour, lassé de tes chasses et émois,
Tu reviennes, tel Ulysse, plein d’images et d’espoir !

Que je sois à mon tour objet de passion,
Une forêt en friche à explorer d’urgence,
Pour découvrir dans les strates de mes tristes haillons
Un restant de magie pour enivrer tous tes sens.

Nous regarderons alors ensemble une même lune
Qui nous enveloppera de ses voiles argentées.
Elle te fera oublier tes ambitions et fortunes,
Pour enfin, près de moi, un peu te reposer.

Puis à nouveau tu fuiras pour retrouver la mer !
Mais en laissant en mon sein une précieuse relique,
Un être qui naîtra aussi triste que son père,
Aux mêmes yeux lointains de cœur mélancolique !

J’ai choisi d’aimer un homme au cœur infidèle
Dont l’âme est à la mer, flottant sur les eaux,
Dont l’esprit saisonnier fuit comme l’hirondelle,
Laissant aux enfers une femme sans anneau.