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Mario FERRISI

Le vieux soldat

La pièce est silencieuse, murée de solitude,
Un sentiment exhale une sombre inquiétude.
Dans un vase ébréché fanent des fleurs d’été,
Quelques mégots jaunis encombrent un cendrier.

Des tâches sur la table honnissent une serviette,
Un couteau négligé, courtise une fourchette,
Le chat, vieux philosophe, s’étire doucement,
Aussi puissant et doux qu’un amoureux fervent.

Cachant son désarroi mais toujours en cadence,
Le balancier comtois s’essouffle sur une danse,
Il rythme des instants révolus, obsolètes
D’un homme de bataillon, devenu un ascète.

Il s’égare et s'entraîne en des routes secrètes,
Il s’en va et se perd en des grottes muettes,
Son verre est un besoin… un bien qui le soulage,
Il n’aime que le vin, son précieux camouflage.

Sa Maguy est partie le jour de la Saint Jean,
Il immerge, aujourd’hui, ses quatre-vingt dix ans.
Ce soir et tous les soirs, il trinque en habitude,
Tchin tchin avec sa vie, sa vieille solitude.

C’est un vieux militaire, ancien de Dien Bien Phu,
Il sait qu’il va partir et veut être encore saoul,
Il songe à « Béatrice » une nuit fauve et noire,
Au ciel empli de sang, où brûla son histoire.

Parmi les tourbillons où tournoyaient les flammes,
Flottaient des cœurs glorieux comme des oriflammes,
Un parfum de bravoure parait le paysage,
Fait d’étreintes féroces et de clameurs sauvages.

« Je te salue encore, ô ma chère patrie !
J’ai failli à Lang Son, pour toi donner ma vie,
Mes esprits sont émus et mon âme attristée
Par tant d’amis tombés, drapés dans la fierté. »

Ces mots qu’il balbutie, sortent comme un soupir,
Comme un dernier salut, au moment de mourir,
Il croise ses deux mains, dernière discipline,
A côté des médailles qui bardent sa poitrine.