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Marie - France BEAUJEAN

L'atelier clandestin

Ça faisait un bail,
Qu’Ernestine, du haut de ses 90 balais,
N’assumait plus ses tâches quotidiennes,
Cloîtrée par la force de l’âge, dans ce fauteuil,
Certes très pratique et seyant,
Ayant plus comme occupation d’espionner,
Sans espionner les entrées et sorties quotidiennes,
Des locataires de l’immeuble voisin.
Elle était intriguée,
Le soir, comme le matin,
De voir tous ces asiatiques qui déambulaient
Sur le trottoir et s’engouffraient,
Telles des fourmis ouvrières, dans la même entrée.
Que s’y passait-il?
Un immeuble pourtant cossu, où les loyers
Restaient importants.
Comment ces gens,
De classe moyenne, pouvaient, se payer
Ce genre d’appartement?
Très tôt le matin (5 à 6 heures)
Très matinaux, et sortant le soir très tardivement,
(22 h voir 23 heures),
Elle qui souffrait de troubles du sommeil,
S’endormait l’après-midi, et observait le reste du temps,
C’était son passe-temps.
Jusqu’à ce matin, fatidique,
Où elle vit arriver, sirènes éteintes,
Toute une flopée d’uniformes et Képis (les flics)
Ils venaient démanteler, pas moins,
Qu’un atelier de petites mains,
Un atelier clandestin,
Dans ce luxueux quartier parisien.
Et, depuis, Ernestine n’avait plus le loisir
D’observer par sa fenêtre,
Derrière le rideau jauni,
Cette grande fourmilière,
Qui déambulait si souvent,
Et, qui avait occupé et égayé ses si tristes journées,
Son seul passe-temps.


IRIS 1950