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Marguerite BERVOETS

Ballade marine

La lune était câline et glissait sur les flots
Son regard clandestin de rêveuse obstinée,
Son disque de safran semblait le clair falot
D’un navire furtif, porteur de destinées.

Il me plaisait, ce disque pâle et incolore,
Paisible, il éclairait de sa blanche lumière
Un trois-mâts haletant et dont l’étrave fière
Fendait la nuit, la mer et le mistral sonore.

Sur le flot noir, sur la blanche crête d’écume,
La galère sautait, dérivait sous la brume ;
Les cabestans grinçaient, les cordages ténus
Rompaient, le flot roulait, lame énorme à l’affût.

Ses bombardes rivées et ses ancres de fer
S’entrechoquaient, soudain, avec d’âpres éclairs.
Et les câbles rouillés grouillaient sous la tourmente,
Comme serpents de mer, comme anguilles ardentes.

Et le mistral puissant prenait d’assaut les voiles,
Un long hurlement grège en déchirait la toile,
Les matelots fermaient l’écoutille mouvante,
Le perroquet tombait sur la drisse branlante.

La galère voguait, depuis longtemps déjà,
Quand sa coque de bois sur le rocher donna
Et la cale s’emplit d’une eau verte et marine
Qui pénétra partout par la brèche assassine.

Un matelot carguait le foc et la misaine,
S’arc-boutant aux agrès, il retint vainement,
En efforts inouïs, sa rauque et sourde haleine
Car la mer engloutit ses appels déchirants.

Mordant les galons clairs de son tricorne sombre,
Le commandant cinglait avec fureur cette ombre
Dont le vaisseau obscur était enveloppé
Et, sous le vent brutal, son jonc s'était brisé.

Sa lèvre de carmin baisa le crucifix
Et le pommeau gravé enrichi d’un camée
De son espadon d’or ; sa figure fardée
Pâlit de peur, et de colère, et de dépit.

Ses canons vaporeux dégouttèrent de larmes.
Un quartier maître obscur en vain donna l’alarme :
Le lieutenant dormait, voluptueux, tranquille,
A l’abri du serein et du mât qui oscille.

Et les cadets gascons jouaient à pile ou face
Car leurs panaches blancs étaient de bonne race
Et leur sabre de charge avait trois pieds de long
...Et le vent rendait beaux leurs souples cheveux
Blonds.

Ils déclamaient, vibrants, les luttes acharnées ;
Leur ardeur et leur foi dépassaient tout image,
Malheur au houzard fou, leste comme l’orage,
Il n’en restait plus rien, valeur pulvérisée...