S'il est vrai que je suis aux trois-quarts du chemin, Que j'ai autant d'hiers qu'elle a de lendemains, Si, comme vous le dites, ce que je vous accorde, Mes doigts de croque-sol ont pincé bien des cordes, Si ma barbe enneigée refroidit ses vingt ans, D'où vient que mon hiver réchauffe son printemps ?
Moi, l'athée licencieux, Suis-je bénit des cieux ?
S'il est vrai que mes bras ont accueilli souvent Des corps dans la tempête en quête d'abat-vent, Si mes mains sans répit ont couvert de caresses Ma guitare le jour et la nuit mes maîtresses, Si mon goût de la vie pollue son innocence, D'où vient que sa vertu se lave à ma licence ?
Moi, l'athée licencieux, Suis-je bénit des cieux ?
S'il est vrai que ses yeux ne puisent à mon être Qu'un visage émacié que les rides pénètrent, Si je n'ai à offrir lors de nos mignardises Qu'un acide fricot contre ses friandises, Si ma tête chenue offense sa blondeur, D'où vient que sa beauté honore ma laideur ?
Moi, l'athée licencieux, Suis-je bénit des cieux ?